Penché sur mon texte dès onze heures, j’écris jusque dans la moitié de l’après-midi. Lorsque je termine un raisonnement ou un paragraphe, je sors me dégourdir et pour ce je m’allonge côté cuisine, coule un verre d’eau, gobe une de ces vitamines “pour femmes” achetées en drugstore à Manhattan, puis me replonge dans l’écriture de Naypyiday, l’ordinateur monté sur un carton de Lowenbräu, un autre carton dressé, après avoir été annoté des remarques clefs pour la conduite du texte, devant mes yeux. En fin de séance, laissant la chambre d’amis, je me vêts et sors gesticuler devant le sanatorium où je rencontre habituellement les Syriens, Jordaniens et Chinois, occupés dans l’ordre à leur musculation, volleyball et badminton. Début de soirée, vient l’heure des combats UFC et de l’énervement tranquille, exaspéré non pas d’être dans ce coûteux cantonnement avec vue sur le pic Chamossaire, mais d’entendre pérorer d’importance sur l’écran d’Etat les politiques des cinq ou six continents quant à notre parage, notre liberté, notre destin, notre imprudence.
Mois : avril 2020
Maladie, inquiétude
Rien de ce que l’on nous déclare n’est plus crédible; au début, accorder sa confiance à celui qui déclare ne pas savoir est de bon sens: au début, on ne sait pas. Jusqu’au moment où l’on découvre — trop tard peut-être — à qui profitent les mesures de compression de notre civilisation. Mécaniquement disproportionnées, elles appliquent un moule qui ressemble à celui que promeuvent depuis trente ans nos grands prédateurs cooptés à la gestion du monde. Théorie des sables mouvants: je suis pris, je le sais, mais plus je remue, plus je m’enfonce. Même ouvrir la bouche accélère votre sacrifice.
Mouvement 12
Grande fatigue, et ce n’est pas faute de dormir (11 heures). Peut-être est-ce l’effet mental du demi-parcours dans l’écriture d’un texte qui exige du souffle. “Naypyidaw, cité de l’espace”, sera bientôt achevé. Au début du travail domine la crainte, puis vient la sécurité, bientôt relayée par l’angoisse de ne pas savoir poursuivre. Tout va bien, ce n’est pas ça. Probablement la répétition mécanique des jours et de leur contenu: vivants, corps, esprits, leurs relations, leurs paroles, avec la perspective incertaine des issues. Et puis le fait que Luv, Mafille, ne ma parle plus — première occurrence historique — dès lors que je n’ai pas versé la pension à Olofso, sa maman (mon salaire étant divisé par trois).