Mois : avril 2020

Mouvement 13

Penché sur mon texte dès onze heures, j’écris jusque dans la moitié de l’après-midi. Lorsque je ter­mine un raison­nement ou un para­graphe, je sors me dégour­dir et pour ce je m’al­longe côté cui­sine, coule un verre d’eau, gobe une de ces vit­a­mines “pour femmes” achetées en drug­store à Man­hat­tan, puis me rep­longe dans l’écri­t­ure de Naypyi­day, l’or­di­na­teur mon­té sur un car­ton de Lowen­bräu, un autre car­ton dressé, après avoir été annoté des remar­ques clefs pour la con­duite du texte, devant mes yeux. En fin  de séance, lais­sant la cham­bre d’amis, je me vêts et sors ges­tic­uler devant le sana­to­ri­um où je ren­con­tre habituelle­ment les Syriens, Jor­daniens et Chi­nois, occupés dans l’or­dre à leur mus­cu­la­tion, vol­ley­ball et bad­minton. Début de soirée, vient l’heure des com­bats UFC et de l’én­erve­ment tran­quille, exas­péré non pas d’être dans ce coû­teux can­ton­nement avec vue sur le pic Chamos­saire, mais d’en­ten­dre péror­er d’im­por­tance sur l’écran d’E­tat les poli­tiques des cinq ou six con­ti­nents quant à notre par­age, notre lib­erté, notre des­tin, notre imprudence.

Futur proche

L’an­ci­enne mem­bre poli­tique d’Alle­magne de l’Est, Angela Merkel, bien­tôt prési­dente non-élue de la Con­fédéra­tion économique d’Eu­ropa (pro­gramme d’au­tonom­i­na­tion qu’elle tra­vaille, avec ses sou­tiens immergés, depuis 2015).

Maladie, inquiétude

Rien de ce que l’on nous déclare n’est plus crédi­ble; au début, accorder sa con­fi­ance à celui qui déclare ne pas savoir est de bon sens: au début, on ne sait pas. Jusqu’au moment où l’on décou­vre —  trop tard peut-être — à qui prof­i­tent les mesures de com­pres­sion de notre civil­i­sa­tion. Mécanique­ment dis­pro­por­tion­nées, elles appliquent un moule qui ressem­ble à celui que promeu­vent depuis trente ans nos grands pré­da­teurs coop­tés à la ges­tion du monde. Théorie des sables mou­vants: je suis pris, je le sais, mais plus je remue, plus je m’en­fonce. Même ouvrir la bouche accélère votre sacrifice.

Film des événements

Coup d’é­tat au ralen­ti — tech­nique hol­ly­woo­d­i­enne. Côté spec­ta­teurs, fas­ci­na­tion; côté pou­voirs, tra­vail de réalisation.

Saut

Face à l’ob­sta­cle, nul n’hésit­erait à se débar­rass­er du cauchemar cap­i­tal­iste, si l’imag­i­na­tion, c’est à dire l’aire d’ex­pan­sion de la vie, n’avait été laminée.

Projets

S’il se con­firme que dans cette vie j’ai été écrivain, dans la suiv­ante je serai com­bat­tant de MMA, dans celle d’après chanteur de deth­core, puis moine; je ferai alors un retour sur expéri­ence et ten­terai une combinatoire.

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Il n’y a pas linéar­ité, mais cir­cu­lar­ité: on part d’un point A et aboutit à un point B qui con­tient toutes les caus­es du point A sous la forme d’ef­fets — c’est cela le point B, et il ferme le cercle.

“No-fiction”

Pourquoi faut-il en lit­téra­ture ne racon­ter que ce que l’on vit? Parce que nul ne sachant ce qu’il vit, c’est cela qui se nomme fic­tion, le reste n’é­tant que de l’écri­t­ure de scé­nar­istes coupés de l’ex­is­tence personnelle.

Mouvement 12

Grande fatigue, et ce n’est pas faute de dormir (11 heures). Peut-être est-ce l’ef­fet men­tal du demi-par­cours dans l’écri­t­ure d’un texte qui exige du souf­fle. “Naypyi­daw, cité de l’e­space”, sera bien­tôt achevé. Au début du tra­vail domine la crainte, puis vient la sécu­rité, bien­tôt relayée par l’an­goisse de ne pas savoir pour­suiv­re. Tout va bien, ce n’est pas ça. Prob­a­ble­ment la répéti­tion mécanique des jours et de leur con­tenu:  vivants, corps, esprits, leurs rela­tions, leurs paroles, avec la per­spec­tive incer­taine des issues. Et puis le fait que Luv, Mafille, ne ma par­le plus — pre­mière occur­rence his­torique — dès lors que je n’ai pas ver­sé la pen­sion à Olof­so, sa maman (mon salaire étant divisé par trois).

Foi

J’ai dans les pos­si­bil­ités de l’homme cen­tré une foi sans limites.