En croisière, à travers le temps et ralenti. Le régime est monastique, mais sans aucun égard pour le péché, que nous pratiquons, Gala et moi, à bonne dose : boisson, cris, sexe. Pour ce qui est de l’horaire, une norme s’est installée. Elle fonctionne sans obligation, demeure quelque peu floue si l’on avait à l’esprit, à la façon d’un suisse-allemand, de la maîtriser sur horloge, mais elle est, jour après jour, honorée: dix, onze heures, midi parfois, le réveil. Long café, longue douche. Je prends ensuite les nouvelles de la presse de propagande (la contre-information est réservée au soir, il faut dormir sur ses deux oreilles), puis je m’isole. Un bureau est improvisé dans la pièce annexe. J’y ai transporté la table du balcon, un ustensile de métal vendu par les grandes surfaces, ces commerçants criminels: autant dire, à peine penché sur mon travail, j’ai mal au dos. La volonté aidant, j’enquête sur Ne Win, Than Shwe, Pyinyma et Naypyitaw, la capitale de la Birmanie, sujet de mon prochain livre. Puis je rejoins mon nouveau copain syrien, fils d’un cadre du régime de Bachar. Ensemble, devant le sanatorium à façade blanc sucre, nous donnons une heure de suite dans le cross-fit, les pilates et le shadow (l’arabe est amateur de lutte), après quoi je reviens au krav-maga, discipline qui demeure pour moi toujours aussi énigmatique et périlleuse, bref discipline de Juifs. De retour dans l’appartement Sirius, je passe à la bière et, forcément, trois ou quatre litres passés dans le corps, peine à trouver le sommeil.