Afin de me rassurer, je vais ce matin chez un médecin suisse. Un médecin suisse, c’est rassurant. La nouvelle génération travaille sur ordinateur. Un ordinateur, c’est rassurant. Trois minutes à la réception, et l’homme survient mon docteur. Dans l’escalier, il ne marche pas, il court (dans l’escalier). Je suis. C’est à dire que je cours. Et m’assieds. Grattage, démangeaisons, essouflé j’explique, l’anus, les ondes et les parties. Il corrige: “bourses”. Aant de conclure: aucun risque. Hypocondriaque, je supposais qu’il y avait peut-être du remuement interne, que le rouge aux c… était une sorte d’expression. Rassurez-vous, il n’y a pas de “peut-être”.
-Et pour la bière? Vous en êtes à combien? me dit-il.
-Trois quatre litres par jour?
-Mm.
-Mais j’ai arrêté.
-Ah.
-Pendant quinze jours.
-Vous étiez anxieux?
-Pourquoi étiez? Je suis anxieux.
Et me voici dans ma voiture, sur l’autoroute, au-dessus du lac, piste de droite, un camion me fait les phares: je ne conduis pas assez vite (tantôt, je ne marchais pas assez vite).
De retour au bureau, j’ouvre une Samsonite de 1978, celle-là même que Monpère apportait dans les avions Helsinki-Genève lorsque j’étais enfant; elle est pleine de bières achetées hier soir à Budapest par les déménageurs hongrois, des Krusovice, des Kozelé et des Soproni. J’éteins la lumière dans l’arrière-boutique et je regarde un documentaire sur le boudhisme birman dans la plaine de l’Irrawaddy.