Samedi passé, pique-nique pour les employés de Fribourg dans la forêt du Bois-de Croix. Venu de Lausanne, je peine à trouver des glaçons. Après deux échecs en station-service le long de la route du Lac, j’en prends vingt kilos à Châtel-Saint-Denis que je déverse dans les glacières embarquées à l’arrière de la Dacia. Rue du Jura, près de notre kiosque, je me fournis en viandes, puis récupère C. et sa femme, les chefs de district. A l’heure du rendez-vous, nous sommes sous les arbres. Autour des vastes tables de bois, une congrégation de dames vieilles, d’excellente humeur, partagent un vin blanc à l’occasion d’un anniversaire. De l’une des participantes, voûtée et chenue, j’entends cette phrase qui m’enchante: “Moi, dans ma ferme…”. Arrivent ensuite de jeunes fêtards et deux lesbiennes qui se becquottent sur un tapis de yoga. Nous avons allumé un feu, posé nos patates. Mais le temps se gâte. Les nuages cèdent, tombe une pluie drue. Les jeunes abandonnent. Privilège de l’âge, nous persévérons. Comme il se doit, le ciel s’éclaircit. Vient le Prisonnier, autrefois collègue de cellule de mon papa, puis cet employé que je rencontre pour la première fois, P. C. Plat, blond, tatoué, massivement tatoué, il a sa boucle dans le nez, des cavités dans les oreilles, mange “vegan” et parle dans les meilleurs termes de la musique outrancière qu’il aime et fait (il est musicien), et que j’aime et j’écoute, bien incapable de la faire. Ainsi, dans la lumière finissante et l’humidité, puis dans le noir, nous buvons en excellente compagnie, jusqu’à minuit, une palette de Lowenbraü et du Chianti. Plus périlleux le retour, seul, en voiture, par l’autoroute déchirée d’éclairs à hauteur de Bulle, le capot frappé de grêle. A Lausanne, je trouve Gala, juste réveillée. Nous ouvrons des bouteilles et devisons, heureux et désordonnés.