Dans les vallées, des moutons que les chiens rabattent à mon passage. Même à vive allure, j’entends les oiseaux. Ils chantent dans les bois, le long des pans de roche, au bord des lagunes. Plus bas, trois aigles voltigent. Leur ombres dansent sur la route. Il y a des villages ensommeillés. Si petits que je crois les voir du ciel. Puis un col tortueux, une heure d’effort. La récompense: pendant le même temps j’e vais en roue libre, je contemple l nature sans avoir à mouliner. Le paysage monte aux yeux. A la fin, je franchis un pont médiéval jeté sur le Tage. L’eau est turquoise. Ce sont les sources de ce fleuve qui coule à travers Tolède et le Portugal. Nu, je me baigne. Il me faut chasser des araignées d’eau agroupées dans une poche de joncs. Le courant est glacé. Je plonge la tête deux fois, je crie. Un kilomètre plus loin se trouve Paralejo de las Truchas, que l’on quitte par une route éprouvante, faite de trous plus que de bitume. “Cinq kilomètres en travaux”. Et au cinquième, “sept kilomètres en travaux”. Le vélo bondit et rebondit. Je jure. A Molina de Aragón, je me rends immédiatement au Palace. Même chambre que l’année dernière. Habillé de mon maillot cycliste aux couleurs de l’Espagne et mes sandales chinoises, je m’installe ensuite sur la première terrasse. A minuit, je suis toujours là, mais à l’intérieur, avec Pablo, le fils de la patronne, un acteur de séries télévisées qui verse de la bière, de la tequila, du Rioja et passe des cigarettes, Juan, ivre, qui tantôt m’insulte tantôt clame son admiration pour ce que je suis, ce que je sais, ce que je fais, et Paloma, une Grenadine, qui danse le flamenco et du saisonnier arabe venu boire un café dit: ” on ne sait pas ce que veut ce “moro”, il entre tous les soirs, il est là, il ne dit rien, on ne comprend pas.”