Bichos

Pro­duits en main, je frotte et récure la mai­son. Je l’aspire, l’or­donne, la redresse. A la fin, trois heures d’un gros tra­vail, je con­tem­ple et respire. Vais au jardin. M’as­sois. Prof­ite du ciel. Ne voilà-t-il pas que de retour dans le couloir qui mène aux cham­bres pul­lu­lent sous mes pieds des colonnes de besti­oles à pattes, cer­taines ailées, inon­dant à bonne vitesse, avec une maîtrise angois­sante de l’e­space, la cham­bre d’Ap­lo, celle de Luv, la mienne. Mille, deux mille spéci­mens. Je saute sur le pul­vérisa­teur de chlore, ouvre le local tech­nique: il est envahi. Or, je viens de le laver. Sol, parois, pla­fonds, chaudière, out­ils, le tout pris d’as­saut. Je gicle, et je pié­tine, et je broie. Puis me con­tor­sionne pour accéder la paroi de pier­res, trou­ver le nid, éradi­quer cette ver­mine. Le soir, la sit­u­a­tion en main, je racon­te par télé­phone à Gala — elle est sur la route de Catane.
“Moi qui ne fait jamais de cauchemar, me dit-elle, j’ai rêvé cette nuit d’une inva­sion d’in­sectes. Même chose lors du mas­sacre du Bat­a­clan. Tu te sou­viens? Je t’ai racon­té. Lev­ée la nuit, j’erre dans l’ap­parte­ment, incom­mode, ne sachant ce que je cherche, ayant vu en rêve des gens pris au piège d’une impasse et que l’on mitraille, trou­ve la radio que j’al­lume et apprend la nou­velle: l’im­passe, les morts, l’as­sas­si­nat par balles”.