Monastère

Une accalmie. Au départ de la ville de Jaca, je grimpe vers le nou­veau monastère de San Juan de la Peña. Nou­veau, car l’an­cien où sont enter­rés les rois d’Es­pagne, forgé dans une grotte, a brûlé. Les moines se sont déplacés dans ce bâti­ment neuf, con­stru­it sur le plateau, dans un lieu aus­si reculé, mais moins hos­tile. Là encore, le monastère à brûlé. Aujour­d’hui, l’éd­i­fice, long, très long, de brique rouge, abrite des cen­taines de cham­bre louées par la chaîne des Paradors nationaux, des cham­bres le plus sou­vent inoc­cupées. Autour, une chapelle et de la forêt. Pour l’ac­cès, il y a deux routes. L’une monte à pic, con­tre la façade de mon­tagne, depuis la plaine du fleuve Aragon; elle est imprat­i­ca­ble en mau­vaise sai­son. L’autre passe au pied du Mont Oroel, un piton rocheux du type “mail­lo”, nom que l’on donne en Jac­eta­nia à ces géants tec­toniques. Vingt-sept kilo­mètres de mon­tée. Une brise légère sur l’herbe pau­vre. Le silence. Une mai­son fer­mée dans un virage. Demi-heure plus tard, un four à pain ruiné. Sur le som­met, le vil­lage de Bernués. Il se détache sur une colline ronde. Autour le ciel, des nuages de bour­rasque, au loin Huesca et Saragosse. Une route étroite com­mence là. Elle mène au monastère. Pour l’avoir emprun­tée en voiture, je la sais longue. Il se met à pleu­voir, à grêler. Je souf­fle sur mes mains. Des talus déva­lent des gerbes d’eau. La pente est raide. Pas assez pour se réchauf­fer. Au bout d’une heure, une pelle mécanique sur le côté. En cab­ine, un ouvri­er chargé de net­toy­er les éboule­ments. Il télé­phone. Je fais signe et con­tin­ue. A la fin, le pan­neau qui annonce le monastère. C’est juste un pan­neau. Inchangée, la route sin­ue con­tre la hau­teur. Partout la mon­tagne, ouverte et des pins, et de la terre jaune. Encore une demi-heure. Au dernier croise­ment, là où l’on jur­erait que nul ne peut vivre, Botaya, un hameau. Un ermitage, quelques granges, des vieux pavés. Puis des kilo­mètres plat au milieu d’une forêt et c’est le Monastère. Il sur­git. On ne le voit pas. Soudain il est là, dans une clair­ière, long, rouge, austère, immo­bile. Le soleil revient. Je trem­ble. Je mange des figues. D’une voiture descend une famille de touristes. Les por­tières claque­nt. Des vapeurs flot­tent sur le bitume.