Chant

Levé à huit heures, con­tent. Déjà, au réveil, je me félic­i­tais de mon lit. C’est le hasard qui l’a ren­du aus­si con­fort­able. A force de démé­nage­ment, j’ai accu­mulé nos mate­las. Autre­fois, j’au­rai jeté, mais depuis quelques années, j’achète du haut de gamme. Arrivé à Agrabuey, j’ai tassé dans les nich­es, les recoins, les dessous, les mate­las inutil­isés; il en restait deux, sur lesquels Gala et moi dormions, largeur cent qua­tre-vingt. Pour gag­n­er de la place, je les ai empilés sur un dou­ble som­mi­er. Le résul­tat est inespéré: douceur, résis­tance, pro­fondeur — à ravir. Encore som­no­lent, j’ap­pré­cie cette réus­site. Dehors, il pleut. Je n’ai pas à sor­tir. Le rit­uel est le même: met­tre le café, vider les cen­dres, allumer le feu, puis con­sul­ter la presse dans cet ordre: France-Suisse-Espagne-Angleterre-Russie. Ensuite, musique et salle d’eau. Ce matin, j’ai été retenu par un oiseau. Peut-être celui qui chan­tait devant ma cham­bre ces nuits. Instal­lé sur le rebord de la fenêtre du salon, il regar­dait l’a­verse inon­der les toits de pierre. Un passereau chanteur à plumes jaunes et tête bleue (nous avons fait de l’or­nitholo­gie au vil­lage en mai dernier). Il est resté per­ché plusieurs min­utes. Avant de s’en­v­ol­er, il a émis un son grêle. Cela m’a réjoui. Comme si cette obser­va­tion oblig­eait à chang­er de point de vue sur le monde. Pris­es dans le silence, les maisons du vil­lage avaient soudain une âme. A la fois proches de la fonc­tion pro­tec­trice et magiques.