Secousse

Vom­isse­ment. Sec­ousse brève mon­tée du fond du corps tel un liège. La langue n’ar­rête pas. Nu, je me pré­cip­ite dans le jardin, appuie con­tre l’ar­bre, la tête bas­cule, la bouche s’ou­vre. Deux, qua­tre, cinq fois. Cette force qui révulse les organes fait aus­si grelot­ter, mais c’est plus qu’un choc, j’ai froid. Longtemps je coule entre les draps, sous le duvet, dans l’or­eiller. Un peu de sta­bil­ité revenu, je m’en­dors incer­tain: est-ce que je dors? Pour le savoir, il faut chang­er de côté. Tout chang­er, chang­er à par­tir de la nuque le corps et la tête. Mais il y a ce car­ré gris à hau­teur du nez qui con­tient des mil­lions de dormeurs. Ou peut-être est-ce un cimetière? Sans un geste puis­sant, impos­si­ble de les retourn­er tous en même temps. Je le fais. Car­ré gris à gauche. Avec ses mil­lions de dormeurs. Par moments, j’en­tends les bruits à l’é­tage. Ce sont les enfants et Gala. Pour­tant, tout le jour, au soleil, dans l’air, à la ville, grande forme. Lancer de hache, prom­e­nade, lec­ture. Vient la nuit. Elle tombe. Elle est tombée. A la cui­sine je hache fin de l’oignon et du per­sil, aligne la viande hachée, roule un œuf. Alors une fatigue. Une fatigue grosse comme un bâti­ment. Epaules écrasées, bras pesants, crâne qui tam­bourine et la vision, brouil­lée. Et la ter­rine. Que je ne trou­ve pas. Tou­jours elle est dans la pas­soire métallique, sur l’ar­moire haute. J’ou­vre les plac­ards. Deux fois tous les plac­ards. Gala a dit qu’elle ne pou­vait l’at­trap­er là où je la mets, à sa place, sur l’ar­moire haute. En direc­tion du salon, qui est loin, je dis, je répète: “Où est la ter­rine?”. “Si je ne trou­ve pas la ter­rine, je ne fais pas les ham­burg­ers!”. “Sans la ter­rine, je ne fais rien du tout! “Si ça con­tin­ue, j’éteins, je m’en vais!” Aplo et Luv accourent. Refont les plac­ards. C’est moi qui l’avais déplacée cette ter­rine, pour pro­téger la pat­te de jam­bon des mouch­es. “Désolé! Par­don!” Alors je malaxe la viande, j’épice. Mains lour­des, mus­cles lourds. Une galette de ham­burg­er… A la deux­ième, je renonce, trop lourd. A tra­vers le salon, par l’escalier, au lit. Au jardin. Appuyé con­tre l’ar­bre. La bouche ouverte. Dans les draps, avec le car­ré gris.  Il est gauche. A droite. Lumière allumée. Mais l’in­ter­rup­teur est au pied du lit. Trop loin. Je me ren­dors entre les deux car­rés et les mil­lions gris. Qua­torze heures de nuit. Nuit affreuse. A la fin, je remonte à l’é­tage. Pas Gala — chez qui le phénomène vient de se déclencher.