Rêve

Ami intime des Frank, Anna m’a remis des cahiers inédits de son jour­nal. Le met­teur en scène mon­tre en pub­lic le drame de la famille avant l’ar­resta­tion, je joue le rôle du con­fi­dent extérieur. La pièce, sommes-nous con­venu, doit servir à sauver les Frank. Soudain, on braque une arme sur moi, on tire, la balle se loge dans le front, je suis mort. Le rideau tombe. Lorsque je me relève, le met­teur en scène m’ex­plique: “désolé, j’ai changé d’avis; je suis passé dans l’autre camp, il n’y a aucune rai­son de sauver ces juifs”. Eber­lué, je traîne un peu en coulisse. Aucun des mem­bres de la troupe. Au lieu de quoi il y a des pupitres et des élèves penchés sur leur copie — j’en suis. Le met­teur en scène main­tenant joue le rôle du maître. Il dis­tribue une brochure plas­ti­fiée de six pages. Et déclare l’ex­a­m­en ouvert. Ma voi­sine, belle femme, demande mon aide. Les écri­t­ures portés sur la brochure sont illis­i­bles, la con­signe introu­vable, quant aux lignes, elles flot­tent.
“Don­nez! En s’en­traidant, on doit pou­voir com­pren­dre!“
Je me creuse la cervelle, je feuil­lette. Troisième page, je m’écrie:
-Crusty!
Le femme, inter­dite.
-Là, voyez, c’est un crusty! Une sorte de sand­wich améri­cain! Donc ce que nous avons là, c’est un menu!
Aus­sitôt ma voi­sine fond en pleurs, elle porte les mains à son vis­age, se lève, fuit.
-Que fait-elle? Gronde le met­teur en scène et maître, c’est un exa­m­en, on ne part pas!
Et moi:
-Mais enfin, tu ‘aides jamais per­son­ne toi?