Marché

A deux rues se tient chaque jour le maché de San­t’Am­bro­gio. Fro­mages, vian­des et pois­son occu­pent une halle de fonte verdie à l’an­ci­enne, tan­dis que les maraîch­ers exposent sur la place. Les amon­celle­ments de fruits et légumes sont pré­parés avec soin. Chaque spéci­men de tomate ou d’av­o­cat noir a retenu l’at­ten­tion du marc­hand. Ce n’est pas seule­ment de l’of­fre au prix et au kilo, c’est le plaisir pal­pa­ble d’a­juster les poids et les formes, les couleurs et les tons. D’habi­tude, je m’en­t­hou­si­asme pour la vente à l’en­can des Andalous, ici, rien de tel: der­rière les assor­ti­ments, les maraîch­ers sont silen­cieux — on dirait un pein­tre en con­tem­pla­tion devant son oeu­vre. Ajou­tons que le goût et la chair des salades de Trévise ou des choux-pommes sont excel­lents! Moi qui n’en finit pas de me plain­dre de l’hy­giénisme para­noïaque qui règne sur nos super­marchés suiss­es. Je l’ai dit, j’ai l’im­pres­sion de défil­er dans une galerie d’art con­tem­po­rain ou pire, dans une morgue blanchie au néon. Avec cet effet — que je con­nais­sais bien lorsque j’é­tais étu­di­ant, mais c’é­tait alors faute d’ar­gent — je ressors avec une bière et un morceau de pain, ou n’im­porte quoi, pressé que je suis de retrou­ver l’air libre. Alors que dans ce marché de Flo­rence, flân­er donne faim. Même après avoir rem­pli son cabas, on recom­mence le tour. Au deux­ième pas­sage, alors que Gala essaie une cape de four­rure (il y aus­si des vête­ments d’oc­ca­sion, de la quin­cail­lerie et de la vais­selle), je me rap­proche de la halle: on fait de la musique. Près de la trat­to­ria où dînent les pro­fes­sion­nels, une femme chante entre les jam­bons et les bouteilles de Chianti.