Bras 2

Aux urgences à Puente. Atten­dent dans le couloir un vieux Mon­sieur vic­time d’un coup de chaleur et un cou­ple. Un ouvri­er en bleu, la main droite dans la main gauche, mon­tre son doigt sec­tion­né, réparé, et qui peine à cica­tris­er; con­sid­éra­tions catholiques, mêlées de rire, d’ex­cla­ma­tions, de soupirs sonores, mieux qu’un com­men­taire de match de foot­ball dans une salle de bistrot: ” ce que cette vie nous réserve!”, “si Dieu le veut…”,  “voyez, moi, par exem­ple…”, “on est pas grand chose!”. Les autres acqui­es­cent, évo­quant le temps qu’il fait, qu’il ne fait pas, l’hiv­er trop long, l’été trop chaud, puis la porte du cab­i­net s’ou­vre, le cou­ple d’en­gouf­fre. Il ressort et appelle mon nom — j’en­tre. La médecin, m’é­coute et con­state: “il n’y a rien à faire. Atten­dre.” Elle pre­scrit des anti-inflam­ma­toires, me dit d’ap­pel­er le suiv­ant. Or, c’est ce que je voulais: savoir. Ou plutôt: enten­dre un avis (c’est en général l’usage de la médecine). Con­tent du ser­vice dont j’ai prof­ité, je rends son salut à la secré­taire et, venant à la porte de sor­tie, fait demi-tour. A la secré­taire:
-Y a‑t-il quelque chose à pay­er?
-Ah… Mon­trez votre carte d’i­den­tité, je vais faire une pho­to­copie. Voilà.
Des urgences, je vais chercher les anti-inflam­ma­toires. La phar­ma­ci­enne attrape un for­mu­laire. Elle note ma date de nais­sance, mon numéro AVS suisse, mon prénom, mon nom que j’épelle. Ne sachant à quoi cela peut servir, je fais:
-C’est utile?
-Oh oui, ain­si vous payez moins.
En effet, elle emballe la boîte de cachets, y ajoute la pom­made que j’ai réclamée et fac­ture un prix dérisoire. Être bien traité en pays étranger, on ne peut que se féliciter, et à si bon compte! Mais aus­si, il y a de quoi s’in­quiéter — à la fin, quelqu’un doit payer.