Aux urgences à Puente. Attendent dans le couloir un vieux Monsieur victime d’un coup de chaleur et un couple. Un ouvrier en bleu, la main droite dans la main gauche, montre son doigt sectionné, réparé, et qui peine à cicatriser; considérations catholiques, mêlées de rire, d’exclamations, de soupirs sonores, mieux qu’un commentaire de match de football dans une salle de bistrot: ” ce que cette vie nous réserve!”, “si Dieu le veut…”, “voyez, moi, par exemple…”, “on est pas grand chose!”. Les autres acquiescent, évoquant le temps qu’il fait, qu’il ne fait pas, l’hiver trop long, l’été trop chaud, puis la porte du cabinet s’ouvre, le couple d’engouffre. Il ressort et appelle mon nom — j’entre. La médecin, m’écoute et constate: “il n’y a rien à faire. Attendre.” Elle prescrit des anti-inflammatoires, me dit d’appeler le suivant. Or, c’est ce que je voulais: savoir. Ou plutôt: entendre un avis (c’est en général l’usage de la médecine). Content du service dont j’ai profité, je rends son salut à la secrétaire et, venant à la porte de sortie, fait demi-tour. A la secrétaire:
-Y a‑t-il quelque chose à payer?
-Ah… Montrez votre carte d’identité, je vais faire une photocopie. Voilà.
Des urgences, je vais chercher les anti-inflammatoires. La pharmacienne attrape un formulaire. Elle note ma date de naissance, mon numéro AVS suisse, mon prénom, mon nom que j’épelle. Ne sachant à quoi cela peut servir, je fais:
-C’est utile?
-Oh oui, ainsi vous payez moins.
En effet, elle emballe la boîte de cachets, y ajoute la pommade que j’ai réclamée et facture un prix dérisoire. Être bien traité en pays étranger, on ne peut que se féliciter, et à si bon compte! Mais aussi, il y a de quoi s’inquiéter — à la fin, quelqu’un doit payer.