Voyage 7

Une erreur tout de même sur ce voy­age, d’au­tant plus coupable que je sais: il ne faut jamais emprunter un axe prin­ci­pal. Cela dit, l’er­reur n’é­tait pas toute évitable. D’abord j’ai tra­ver­sé trois fois l’Es­pagne d’Oviedo à Mala­ga avec Mon­frère en roulant sur la nationale 630 et nous ne croi­sions, selon les provinces (en rai­son des dépens­es folles du gou­verne­ment, lequel, béné­fi­ciant de la manne de l’Eu­rope, a dou­blé la route d’une autoroute, puis l’au­toroute d’E­tat d’une autoroute privée), pas plus de dix voitures à l’heure; d’autre part, faisant étape à Puer­tol­lano et placé face à une série de cols, il n’y avait qu’un itinéraire de pos­si­ble sauf à rebrouss­er chemin. Ain­si, je me suis engagé sur une nationale. Des voitures? Peu. Des camions? Oui, des camions, mais là encore, peu. Se référ­er à la Suisse ne donne pas la mesure: quand bien même l’Es­pagne approche désor­mais des cinquante mil­lions d’habi­tants, plus de la moitié vit dans les villes, ce qui vaut à ce pays de demeur­er en par­tie vide. En l’oc­cur­rence, là est le prob­lème. La route était tracée à l’améri­caine, à tra­vers un plateau de 60 kilo­mètres. Placé à son début, j’en aperce­vais pour ain­si dire le bout, au pied de la mon­tagne. Et donc, réflexe naturel, surtout quand on a la route pour soi, les auto­mo­bilistes mon­taient à 130, 140, 150 km/h. Lorsqu’on roule trois fois moins vite sur la bande côtière avec un vélo de huit kilos, l’ef­fet d’aspi­ra­tion est mon­strueux. Mais plus que tout, c’est l’an­goisse qui pèse. Elle pèse si bien qu’à la fin de l’é­tape, s’a­joutant à la fatigue ou plutôt, libérée de l’ef­fort, elle m’empêcha de dormir la moitié de la nuit.