Station du S‑Bahn Leuchterbergring — si je descends ici, il me faudra marcher le long des chantiers, des immeubles de bureau, longer les routes d’accès du périphérique. Dépliant la carte du réseau, je constate qu’il existe une station Berg-Am-Laim. Pourtant, à l’information de l’aéroport, j’ai bien précisé que c’est là que je me rendais. Extraordinaire, ce sentiment d’être affronté à des gens qui ne font pas leur travail! Auparavant, même situation, cette fois dans une boutique de téléphonie. D’habitude, je n’utilise pas de portable, mais je viens de faire deux mille kilomètres pour rejoindre Gala, mieux vaudrait qu’elle puisse me joindre si elle ne trouve pas l’hôtel. Sauf que la vendeuse fouille son tiroir à la recherche d’une carte SIM pour équiper l’appareil à Fr. 5.- que j’apporte, après avoir retourné ma carte d’identité demande “ce que c’est”, photographie la carte recto-verso, pianote mollement sur son écran et déclare:
-Je ne peux pas, c’est bloqué.
Moi qui ai fait des efforts pour que mes phrases allemandes soient correctes, je ne comprends pas les siennes qu’elles à dû obtenir sur internet en copié-collé avant de venir poser ses fesses dans la boutique.
-What language do you speak? Lui dis-je excédé.
Et je veux dire “de quel tiers-monde sortez-vous?”, ce qui la pique au vif. A quoi elle répond (en allemand d’internet):
-C’est bloqué.
Et voici que les dames de l’aéroport, celles-ci toutes munichoises, ne savent pas qu’il existe une station Berg-Am-Laim. J’y descends. Matériellement, par des escaliers, puisque la voie est aérienne, et me retrouve dans un quartier que je connais pour y être venu plusieurs fois à vélo mais dont je ne sais pas du tout l’insertion dans le plan général de la ville. J’emprunte un tunnel, aboutis sur un chantier. Repars dans l’autre direction. Là, une droguerie et un supermarché que je reconnais, nous y avons bu une limonade avec les enfants en août dernier. A une dame, je demande le Holiday Inn. J’énonce la rue. Elle explique. D’une manière si confuse, que je finis par dire:
-Là, tout de suite… à gauche ou à droite?
Confusion d’autant plus étonnante que la rue recherchée est à cent mètres. Une fois repérée ma direction, je m’installe sur la terrasse d’une Tratoria, commande de la bière et — pour la première fois depuis sept, huit, dix ans? — une pizza. Que je goûte à peine, plongé que je suis, pour la troisième fois, dans la lecture de l’essai de Besnier, “Demain les posthumains?”. Puis l’hôtel, bloc blanc hachuré de vert qui ressemble à un frigorifique (Fr. 160.- la nuit tout de même). La chambre, rectangulaire, vaste, avec écran plat intégré, donne sur un chantier. Au niveau réception, les écrans sont allumés. C’est l’heure des matchs. En passant, le personnel turc, pakistanais, magrébin, lorgne le score. Je tourne une table ronde, la dispose de façon à suivre le match et voir, à travers la baie vitrée, l’allée d’accès au Holiday Inn, celle par où viendra Gala. Tout en avalant une canette de Helles, je pense : “elle ne viendra pas”.