Ce matin, dans Agrabuey, corvée de printemps. Ana la femme du maire pelle l’eau de la fontaine, Miguel arrache l’herbe poussée entre les pavés, le guide requis pour la manoeuvre (faute de neige, il est ces jours sans travail) nivelle les bordures à la débroussailleuse. Un serpent s’échappe. Il ondule, n’en pouvant plus s’arrête sur mon pas de porte, au milieu de la rue de Barrio Campo (le village-champ). Aplo quitte la table de travail où il traite sous forme de dissertation et en anglais le sujet d’économie “spaces and exchanges”. Nous fixons la bête quand approchent les deux frères Jésus.
-Il est mort, déclare l’aîné.
L’autre le soulève.
-La queue est coupée.
Puis ils s’attaquent à ma chaudière expliquant: “Alexandre, il te manque mil de pression! Là, tu vois? Tu ouvres cette vanne, et quand l’aiguille noire rejoint la rouge…”
-Pas si vite!
Je fonce à l’étage, reviens avec une feuille de papier et un stylo, note le tout en français et applique du scotch sur les différente vannes, nommant l’une “A”, l’autre “B”, la troisième “hiver”, la suivante “été” comme si les deux frères allaient m’enfermer dans un sous-marin dont j’aurai à assurer la capitainerie pour un long voyage.