Vol

Mon vélo a dis­paru. Com­ment est-ce pos­si­ble? Il était là, appuyé con­tre le stand, à bout de mains. J’alerte les voisins. Ils remuent, cherchent. Là, vous dites qu’il était là? Nous l’au­ri­ons vu! “Gardez-moi ça!” Au hasard, je tends mon appareil-pho­to et m’élance. Le quai est bondé. Des vélos. Je me pré­cip­ite. Ce n’est pas le mien. Et si le voleur était déjà loin? Je cours. Devant un stand de glace, un ami me hèle. Des années que je ne le vois pas. Il me présente ses enfants. Au lieu de les saluer, de me réjouir, je dis: on m’a volé mon vélo. Ah, fait-il. Pour lui, cela n’a aucune impor­tance. Je file. Tout en scru­tant, j’es­saie de me représen­ter le vélo, le dérailleur, les jantes, le cadre et je chiffre la perte.
Ceci pour le rêve.
Or, hier, dans l’après-midi, j’ai décou­vert ceci: on m’a volé mon vélo jaune fait sur mesure. Je dis “décou­vert” bien que le vol se soit pro­duit à Fri­bourg il y a deux ans. Le jour du vol, passé le con­stat et après avoir mau­dit le voleur, je suis ren­tré chez moi,  je n’y ai plus pen­sé. Et voilà que deux ans plus tard, sans rai­son, hier donc, je me représente dans le détail la perte de ce vélo com­mandé vingt ans aupar­a­vant, conçu à ma mesure, peint à ma couleur et auquel j’é­tais affec­tive­ment lié.