Penser

Pour être hon­nête, je dirais, une fois par année. Cette année, pas encore. L’an­née passé, oui: j’ai même pen­sé plusieurs fois. Je le sais car l’ef­fort était con­scient. Les élé­ments étaient alignés sur le papi­er, j’avais fait des tableaux. Pour avoir sous les yeux les pièces du raison­nement, j’avais accroché ces tableaux aux murs. Toutes les con­di­tions étant réu­nies, je me pen­chais sur le prob­lème et je pen­sais. Si cela a pro­duit quelque résul­tat, il doit se trou­ver dans l’es­sai que je rédi­geais. La matière que je ten­tais de démêler dans cet essai m’oblig­eait à penser. Mais en temps nor­mal? Aus­si, le rôle de l’écrivain n’est pas de penser. En lit­téra­ture, la bêtise est oblig­a­toire. Une bêtise savante, cela va sans dire. Une bêtise fondée sur l’ou­bli de l’in­tel­li­gence. Dans tous les cas, le con­traire d’une pen­sée dirigée et rationnelle. J’aime imag­in­er Ein­stein se pré­parant à penser. Ou encore Kant.