Passages

L’austérité et le désor­dre me plaisent égale­ment et si je préfère aujour­d’hui le silence au vacarme, j’aime la sobriété autant que la débauche ce qui me vaut d’al­tern­er selon un régime péri­odique l’un et l’autre, me réjouis­sant de quit­ter le pre­mier état pour le sec­ond, le sec­ond pour le pre­mier. Boire jusqu’à trans­former la moitié de la journée en attente du moment où l’on pour­ra recom­mencer de boire, n’être disponible que pour la dis­cus­sion et les activ­ités noc­turnes, dédaig­nant cette réal­ité d’ap­pareil­lage qui, sous l’ef­fet du plus arti­fi­ciel des ordres, nous impose une loi; mais alors bas­culer dans le régime con­traire, ce règne tran­quille où chaque pas est comp­té, où l’on goûte l’air et l’eau, par­lant peu, ne par­lant pas, craig­nant les ren­con­tres, même les plus anodines, en ce qu’elles for­cent le corps à l’ex­hi­bi­tion. Le prob­lème est dans le pas­sage d’un état dans l’autre. Ici, je manque de maîtrise. C’es qu’il n’y va plus de l’or­dre ou du chaos, mais du chaos dans l’or­dre, et le cerveau peine à se régler sur un objet aus­si con­tra­dic­toire. Il bute et souf­fre, il attrape la fièvre. Cette nuit encore, deux jours après le début du pas­sage, je n’ai pas fini de me débat­tre, me réveil­lant tous les vingt min­utes pen­dant douze heures, cher­chant des posi­tions, des idées, le vide, la chaleur, le froid et la lumière.