Citoyen

Ce que nous allons devenir, je l’ig­nore, mais ce que nous sommes devenus, les change­ments qui sur vingt ans nous ont affec­tés, les tares pro­duites, je les vois et je m’en affole. Mais ce qui bien plus m’af­fole, c’est le faire-sem­blant, ce regard de fausse bon­hom­mie porté sur le désas­tre qu’adopte la majorité en se jouant. Au jeu de la néga­tion du bien, des acquis et du savoir, quelle lim­ite? Celle qu’of­fre un corps vrai, amélioré par une société de bonne aloi, tra­vail­lée, his­torique. Ce que nous sommes — atten­tion — devenus, pré­cisons: en Occi­dent. Ce qu’on nomme chez les ama­teurs de théorie poli­tique “un citoyen”, mais je me trompe, le citoyen ne résiste plus, il s’estompe, il se sim­pli­fie, il fond. Il n’est plus que sou­venir. Quelques-uns résis­tent;  plus hommes que l’homme des rues, ils appel­lent cela la fin de l’homme. Vien­dront et vien­nent déjà les vien­nent-ensuite, ceux qui, mi-hommes, s’é­gayent de recom­mencer tout le cycle. C’est dire que Niet­zsche avait rai­son de hurler ses con­cepts: pour rater le moment cri­tique, nul doute: nous allons le rater!