Noël

Veil­lée de Noël. Des voitures ont atteint le vil­lage, mais je ne vois per­son­ne. Donc, seul à Agrabuey.  Le Petit Homme bleu (je l’ap­pelle ain­si car il mesure 1,50 mètre et porte la salopette de tra­vail) est venu boire du vin. Jusqu’i­ci, je ne con­nais­sais que ses chats (le matou m’a grif­fé le jour où je suis venu vis­iter la mai­son): ils por­tent les noms des anciens pre­miers min­istres d’Es­pagne. Aujour­d’hui, le Petit Homme s’in­stalle et une heure durant par­le astro­physique. Quasars, pul­sars, super novas. Il con­clut: “évidem­ment, je ne peux par­ler de cela avec per­son­ne, l’été, il y a Guillen, l’av­o­cat, tu sais, celui qui tra­vail­lait pour les cubes bouil­lon, d’ailleurs il est aus­si écrivain; moi je n’au­rais pas osé, écrire Burdales reales, sept cent pages sur le sex­u­al­ité des rois… je dis­ais? Ah, oui, je suis bien con­tent de pou­voir par­ler avec toi de cette sor­tie de galax­ie… tu imag­ines, 100’000 années à la vitesse-lumière pour la quit­ter?” Soudain, télé­phone. Mon­père vient d’ar­riv­er à Mala­ga, il m’an­nonce qu’il va pren­dre le bus et rejoin­dre mon apparte­ment. Il rap­pelle. “J’y suis! Et dis-moi, pour branch­er l’in­ter­net?” “Mais papa. je t’ai envoyé une liste de recom­man­da­tions…” “Ah oui! Mais à Budapest, je n’ai pas d’im­p­ri­mante!” Ensuite Gala. En visio­phonie. Habil­lée de noir, un col­lier sur la poitrine, prête à aller dîn­er avec son fils. “A quelle heure?”. “Oh, pas tout de suite, tu sais, c’est la tra­di­tion catholique, il faut tenir jusqu’à minu­it! (dix-sept ans que je la con­nais, jamais elle ne m’a par­lé de cela” Je lui dis ce que j’ai fait de ma journée: ratiss­er le jardin, pass­er l’aspi­ra­teur, répar­er la porte de la chauf­ferie (que les héri­tiers, de rage d’être dépos­sédés, ont détru­ite à la con­clu­sion de l’acte notar­i­al) et pré­par­er les cham­bres des enfants, tableaux, tapis et surtout, lits; hier, je suis allé à la ville, dans ce mag­a­sin de tex­tiles. Lorsque les dames me voient , elles ont le sourire aux lèvres, pareil client, voilà qui est bon pour leur poste (elles ne sont qu’employées). J’achète des coussins, des pieds-de-lits en four­rure, des sachets de lavan­des, des draps plats et des houss­es de cou­ettes, des servi­ettes de bains et des peignoirs éponges. Après quoi je vais à la boucherie, me recom­mande de la voi­sine (“qui?” fait le maître des couteaux — j’ai remar­qué, ces recom­man­da­tions, les com­merçants détes­tent), je fais fais tranch­er et dégraiss­er de la vache pyrénéenne et des côtes d’ag­neau, bref, je suis prêt à recevoir les enfanst, il ne me reste plus qu’à me lever demain, tard, à mon­ter en voiture et à aller les chercher à Barcelone — 700 kilo­mètres de route.