Magnifique caissière — j’en suis là. Magnifique ne veut pas dire belle, encore moins jolie, mais magnifique: empoigner ce sous-métier avec un tel enthousiasme pour le sublimer avec spontanéité m’a laissé pantois. Tandis qu’elle scannait les produits du client qui me précédait, un homme amphore venu des Andes, elle se retourne pour me sourire, me sourit encore, et encore, au point que je me demande si je vais réussir à passer sans être avalé. Vient mon tour, j’engage la conversation, ce qui est déjà une prouesse, nous rebondissons, prouesse double. Or, j’ai oublié mon portefeuille.
-Aucune importance!
-Merci! Il est dans la voiture.
- Je te garde ça?
Sauf que je ne sais pas s’il est dans la voiture, je sais seulement qu’il est tombé de ma poche de veste. En fin de compte, il est bien tombé, mais dans la voiture. Fausse alerte. Et je retrouve la caissière, ses sourcils épais, noirs, ses paupières peintes de bleu, un mauvais goût qui lui va à ravir. Elle fait son métier, elle encaisse. Et engage la conversation avec le client suivant. Il va falloir que je retourne faire des achats.