Mouche

Dans cette grande salle de restau­rant de la cam­pagne de Vil­larob­le­do où les camion­neurs de la région vien­nent manger plane une mouche. Agaçante. De celles qui chas­sées revi­en­nent. Deux buveurs se plaig­nent. Mas­sifs et couper­osés, ils ava­lent du vin blanc, ce qui en Espagne est rare. Des locaux pour­tant. Ils appel­lent le garçon :
-Pépé, la mouche!
-Encore?
-Encore!
Pépé attrape un aérosol de gaz anti-mous­tique et pul­vérise les deux clients. Cheveux, vis­age, ven­tres, tout y passe, et la table, les chais­es. Il se recule et tourne autour, pul­vérise de haut, sec­oue, donne un dernier coup. Quand il rebouche son aérosol, il s’est for­mé un nuage, épais, acide, suf­fo­cant, qui se déplace, gagne ma table et je vois que ce n’est nulle­ment de l’eau cit­ron­née ou autre vapeur écologique, mais le genre de saloperie qu’on ne répand que le nez bouché et le buste en arrière.
-Là, laisse nous ton truc ! Fait le plus gros des deux clients tan­dis que la mouche con­tin­ue de planer.