Tandis qu’il pianote sur son ordinateur, j’observe le régisseur de l’hôtel. Malingre, tatoué et précieux. Il a le débit lent, pose les questions sans omettre une syllabe, prend son temps pour répondre. Plus étonnant, avant d’accéder à la demande, il raconte une anecdote. « Tenez, les clients précédents… ». Il me fixe et reprend le cours de l’anecdote. Cependant nous attendons devant le comptoir de réception, j’ai roulé trois cents kilomètres, ouvert et refermé la maison, j’aimerais gagner la chambre. Soudain, je reconnais ce type. C’est Ned. Celui qui joue le rôle du tenancier de motel dans The bag man, ce film policier avec Robert de Niro et John Cusak. Dans la fiction, il a les cheveux longs, il est crasseux et enfoncé dans une chaise roulante. Mais c’est bien lui. Il dit : « je-peux-vous-donner-une-chambre-à-trois-lits-au-quatrième-avec-vue-sur-la-citadelle-puisque-vous‑n’êtes-pas-des-Français-comment-est-ce-que-vous-comptez-me-régler ? » sur le ton d’un sadique qui annoncerait : « quand je vous aurai sodomisés je vous découperai en rondelles ». J’essaie de plaisanter. Il plaisante à son tour, mais ne rit pas. Cérémonieusement, il nous remet la carte de la 415. « Vous-prenez-cet-ascenseur-qui-vous-emmènera-tout-droit-là-où-vous-devez-allez-au-moins-avec-vous-on-peut-parler-espagnol ! ». Et tandis que la porte coulisse, il fait un signe de la main, à la façon d’un homosexuel qui envisage des réjouissances.
-Il est fou, dit Gala.
-Oui, mais il nous a donné une chambre.