Par le sentier de montagne, je me suis rendu à l’ermitage. Déterré à la fin du XXème, il était enfoui sous les sédiments de la Ramar. Les historiens croient savoir qu’il y avait au fond de la vallée un important monastère. Détruit il y a mille ans, il fut remplacé par cette église romane de plan carré. Quelques années plus tard, le saint-Graal aurait séjourné entre ses murs avant d’être transporté à Barcelone et Valence. De notre maison, une rue marquée de niveaux contourne le clocher forteresse de l’église puis le colombarium. Là, je rejoins la route qui longe la rivière et avant de franchir le pont, je bifurque dans un champ. Une couleuvre file dans la broussaille. Signe que je me trompe En effet, le sentier se dessine en hauteur, dans la pierre. Une petite demi-heure de marche et je suis accueilli par deux chiens. Ils gardent la seule ferme de la vallée. Je traverse la rivière à gué et pénètre dans l’ermitage. Une voiture aux plaques françaises est garée dans la forêt, mais il n’y a personne. Pour le retour, je suis la route et je me félicite : l’eau de la source a été détournée, elle s’écoule dans une rigole creusée au pied du talus, emprunte un canal de pierre et irrigue ainsi les prés et des cultures de légumes sur le versant de la rivière. Quand je me suis décidé, je n’avais vu que les potagers au village.
Sur la place avec le maire et les voisins chanteurs de chorale. L’orage nous oblige à rentrer dans le bar. La tenancière, Maria-Pilar, ne sourit pas, ne parle pas, ne salue pas. En Espagne, une attitude rare. Gala prétend qu’elle doit son poste au fait que sa sœur est l’épouse du maire. De fait, le bâtiment de l’ancienne école qui fait bar appartient à la municipalité. Nous buvons dans la salle de classe, près d’un poêle, il pleut, il fait trente degrés, les clochettes des moutons résonnent dans la montagne.
Un voisin rejoint notre table. Francisco habite en face (par la fenêtre ouverte, il montre une maison basse contre le canal). Il est accompagné de son petit-fils, un enfant magnifique, catalan de Barcelone, qui parle anglais avec Gala, explique que sa sœur est malade et qu’il a un frère jumeau. Apprenant que j’écris, son grand-père quitte la salle. Dix minutes plus tard, il réapparaît avec un sac qu’il me tend. J’en extrais deux livres un roman et un volume de sept cent pages lourd comme une brique. « Burdeles reales ».
-This one sold very well, dit l’enfant de dix ans.
Et Francisco, d’une belle écriture à la plume, nous dédicace ses livres tandis que Gala feuillette les gravures licencieuses reproduites en pages centrales.