L’hiver dernier, on me parle de la Grotte du trésor. Son entrée est sur la colline à quelques mètres du village. Je m’y rends avec Aplo. En cette saison le parking est vide, le fonctionnaire qui nous ouvre est content d’avoir des clients. De la ville arrive un couple de touristes guide en mains. A quatre, nous descendons sous terre. Sur le palier moyen de l’escalier d’accès figure une chronologie des époques préhistoriques. Nous déchiffrons quand un appel vient du bas. La fonctionnaire nous attend au pied de l’ascenseur. Nous parcourons les galeries et les salles, enjambons une rivière, marchons dans des bassins. Je me penche sur le puits du Suisse. L’ingénieur Antonio de la Nari est mort là, dans l’éboulement provoqué par son dynamitage. La visite finie, Aplo et moi faussons compagnie au groupe et retournons dans la grotte. Nous explorons les galeries interdites, éclairons les fouilles récentes, je repasse devant le puits qui s’est effondré sur l’explorateur suisse. Ici et là, d’autres travaux sont en cours. Depuis les années 1940, les recherches n’ont jamais cessées. D’après les chroniques des pères qui évangélisaient les royaumes arabes, la grotte marine aurait servi de cache au trésor des Almoravides.
La semaine dernière j’achète aux dames de l’association d’entraide du village, un livre intitulé L’homme qui croyait savoir où il y avait un trésor. Cet homme est Manuel Laza Palacio. Il a hérité la grotte de son oncle dans les années 1950. Jusqu’à sa mort, il a consacré ses vacances et ses week-ends à chercher le trésor, ouvrant des galeries, découvrant des salles, émettant des hypothèses sur les tunnels qui relieraient la colline à l’ancien fort. Mais ce travail intervient presque un siècle après celui du Suisse qui sur la foi de la légende rapportée d’Oran creusa une trentaine d’années à partir du début du XIXème siècle. Ces derniers jours, je pensais aux expertises des géologues et des radiesthésistes — toutes pointent sur le même emplacement pour ce qui est de la cache du trésor — et j’imaginais reprendre l’histoire, faire le lien entre le passé et le présent.
Hier, je lis le journal gratuit du village. Il annonce que le réalisateur Alberto Pons va tourner début septembre une fiction dans la grotte dont le sujet sera le Suisse et son puits. Je viens de l’appeler.