Gala est arrivée mardi. Sa voiture a tenu le vent, passé les ponts et les tunnels de l’autoroute de montagne. Elle a ouvert la porte et trouvé Zaïra qui récurait les salles de bains. J’étais sur le toit, le jet à la main pour nettoyer les restes de sable orange du Sahara. Nous sommes allés dîner sur notre terrasse habituelle; le ton est monté, nous criions. Aux ouvriers effrayés qui mangeaient le menu aux tables voisines, j’aurais voulu dire qu’il ne s’agissait pas d’une scène de ménage, nous parlions politique. Mais qu’est-ce que cela aurait changé? A la sortie, le serveur attristé est accouru. Il a tendu la main à Gala l’air consolateur. Un peu plus il l’emmenait. Elle qui ne peut parler politique sans hurler et répéter mécaniquement les antiennes de la presse. Nous avons continué à faire le ménage. Cela a duré deux jours. Vendredi, les déménageurs se sont présentés en matinée. Le plus grand, un Sud-américain, ressemblait à l’Indien muet de Vol au dessus d’un nid de coucous. Ils ont descendu mon bureau, le lit, le bandit-manchot, le vélo statique, les vélos, le punching-ball et la vaisselle de Noël. Arrivé dans le village voisin, j’ai entrepris de monter les meubles commandés sur internet. Des tables et des chaises fabriqués au dans le Gujarat. A prix occidental. Aujourd’hui, les vendeurs vous font acheter du travail sur la foi d’une image. Un calvaire: trous mal calibrés, vis tordues, mode d’emplois analphabètes. Pour la première chaise (de jardin, précisons), il m’a fallu 1h20. Je me réjouissais: dès la deuxième, j’allais gagner du temps. Or, je n’ai pas réussi à la monter. Pour faire diversion, je me suis attaqué à la table. Pas de mode d’emploi. Elle est au sol, en morceaux. Ensuite, entraînement de Krav Maga. La voiture est au garage. Bien. Mais comme nous habitons désormais le bord de mer, les places sont rares. Il faut donc descendre sa voiture en la roulant dans un ascenseur. Le mieux serait de faire une demi heure de yoga avant d’aller prendre la voiture, mais cela n’est pas compatible avec le Krav Maga. Au retour, je me réjouis de boire une bière. Gala a disparue. J’erre entre les morceaux de meuble, je la cherche. L’appartement n’est pas si grand. Elle est sortie. Je m’étonne, j’attends. Elle revient à 22h30, fâchée: “tu n’as pas vu mon mot?” Son mot! Accroché sur la porte de l’immeuble. D’ailleurs, me dira-t-elle, je suis venu vérifié deux fois, il y était, il est vrai que la troisième fois, il n’y était plus.
-Et si tu étais monté?