Opposer au projet démiurgique des posthumanistes qui consiste à programmer l’autocréation de l’humain, un homme lié au hasard, interprète du monde par les religions magiques, les techniques d’acclimatation et l’art revient à nier le progrès. Or, si cette négation se justifie du point de vue de la morale, elle ne peut avoir lieu sans que soit simultanément nié le progrès en tant que valeur fondatrice de la modernité, soit littéralement comme vecteur de changement. L’argument des posthumanistes pourrait être que la condamnation du changement est une forme d’apologie de la mort sociale. Ce qui n’implique nullement que le progrès exponentiel de la science et des techniques doive devenir la religion positive de l’humanité et entraîner une changement de paradigme anthropologique. Malheureusement, les bioconservateurs vont assez vite s’apercevoir qu’ils luttent contre les tenants d’une thèse du dépassement de l’homme à laquelle la collectivité à travers les comportements des individus qui la composent adhère déjà de fait. L’inscription revendiquée des recherches liées à la convergence dans une approche critique inspirée des valeurs humanistes apparaît donc comme une contradiction, car cet homme classique au nom duquel la lutte est menée a pour ainsi dire disparu. Avec dans le futur, un effet paradoxal pour le camp des ennemis du posthumanisme: les individus les plus lettrés deviendront vraisemblablement les manuels de demain dès lors qu’ils auront à survivre en dehors du schéma d’hyperconnexion.