Forêt

Un vent froid souf­fle sur la côte. Pour échap­per aux aboiements des chiens, j’écris sur la plage. Il y a un toit au-dessus de la table de pique-nique, mais je ne me méfie pas: le soleil tape. Or, je demeure penché sur mon cahi­er qua­tre heures de suite. Je regagne l’ap­parte­ment en trem­blant. Le soir, avec les enfants, nous regar­dons La forêt, un film d’hor­reur. Au Japon, deux jumelles se per­dent dans un lieu han­té. Elles courent entre des arbres aux­quels son sus­pendus des cadavres. Le réal­isa­teur nous mon­tre les vis­ages des femmes à satiété, jouant sur leurs simil­i­tudes. Je me couche avec de la fièvre. J’avale trois sachets de poudre. La nuit, je recon­stru­is le scé­nario du film. Pour bien faire, je procède scène par scène. Chaque dix min­utes je me réveille, je véri­fie le temps écoulé sur le réveil, ou crois le faire, et me ren­dors. Les vis­ages sont désor­mais ceux de vierges nues qui s’adon­nent aux pires vices sex­uels. Je me promène par­mi elles, je par­ticipe, je couche. Et je les dirige. Avant d’abor­der la dernière scène, cette remar­que: si un tel film venait à sor­tir, il serait aus­sitôt inter­dit et je serais jeté en prison. Puis je me ren­dors pour parachev­er l’oeu­vre. Un cas­sette musi­cale est mon­trée en plan fixe. Au sty­lo, il est écrit Pee­ing jeez­er. Pen­dant quelques sec­on­des, rien ne se passe. Alors de l’urine suinte de la cas­sette. L’odeur envahit la pièce. Toutes les femmes se pâment. Je caresse ma voi­sine et la vio­le. Générique. Les actri­ces se relèvent. Elles s’en vont, soulagées d’en avoir fini avec ce cauchemar.