Ecole

Levé à 5h15, je don­nais à manger aux enfants, les pré­parais, les four­rais dans la voiture et pre­nais la route pour Genève. Une heure de con­duite. L’hiv­er, il fai­sait encore nuit lorsque je les dépo­sais avec leurs carta­bles devant l’é­cole de Satigny. Cela me fendait le cœur. C’est tou­jours le cas. L’é­cole est une tor­ture. Ain­si la perce­vais-je enfant, ain­si l’ai-je perçue devenu père. Lorsque j’al­lais au col­lège Saint-Michel, à Fri­bourg, plus âgé qu’eux, à qua­torze ans, je mar­chais qua­tre fois par jours les trois kilo­mètres qui mènent de Givisiez au cen­tre-ville. Le par­cours m’est resté en mémoire, le reste non; tout juste la forme de la classe et sa posi­tion dans le bâti­ment de pierre grise au-dessus du vide. Qu’ai-je appris? Je cherche. Il me sem­ble que tout ce que je sais, je l’ai acquis ensuite, à l’u­ni­ver­sité — on dira qu’il a bien fal­lu y arriv­er, à l’u­ni­ver­sité. Quoiqu’il en soit, fix­er des enfants der­rière un pupitre quinze années de suite ne ressem­ble en rien à une pro­gramme de vie.