Un groupe d’étudiants signe sous l’acronyme AJAR un roman que publie les éditions Flammarion. De l’aveu du collectif, l’entreprise vise à briser la solitude de l’écrivain, fanfaronnade que reprennent en titres les quotidiens qui saluent en outre l’aspect innovateur du projet. Briser la solitude de l’écrivain! On peut aussi apprendre à nager sans se mouiller.
Mois : octobre 2016
Femmes
Plein de sollicitude, les amis de mes parents me présentent des filles. Plus exactement, ils me les montrent car nous sommes dans une réception et l’on peut, tout en poursuivant une conversation, épier les autres invités. Ce faisant, je reconnais des filles que j’ai connues il y a vingt ans, que j’ai désirées, aimées, que j’ai rencontrées, que je n’ai pas rencontrées. Comme j’hésite, ce proche ami de mes parents me fait remarquer:
- Regarde celle-là, oui, celle qui est au fond de la salle! Elle récite une prière, elle a de beaux cheveux, elle ferait une excellent femme.
Et comme j’hésite encore, je suis pris de vitesse; me voici soudain marié à Olofso et déjà à mon côté se trouvent Aplo et Luv, adolescents.
Pommes
Cette année, peu de pommes. Mamère surprise répète: “voilà trente ans que j’habite dans cette ferme et je n’ai jamais vu ça! Regarde, quatre coings, c’est tout ce que l’arbre a donné”. Nous cueillons tout de même. Aplo secoue les branches, Luv et moi ramassons. Les pommes sont petites, dures, encore jaunes. La semaine dernière, je tombais sur une photo d’Aplo prise sous ce même pommier. Il est assis dans une caisse de bois. Seule sa tête et ses deux mains sont visibles. Le corps est dans la caisse. Aujourd’hui, après avoir ramassé les pommes, nous sommes allés conduire. Il manœuvre la Toyota de Mamère, se gare entre deux bâtons plantés à l’orée de la forêt.