Écrire un essai oblige à donner une forme didactique à ses idées. Pour atteindre une certaine clarté dans l’exposé du propos, les arguments doivent répondre à des critères de logique. Ainsi, les idées qui ont motivé l’écriture de l’essai, et que j’avais pour certaines en mémoire depuis vingt ans, entrent dans des agencements complexes. Ces agencements renforcent à leur tour l’idée en prouvant qu’elle est défendable par les moyens de la raison et ne se limite pas à une intuition. Avec pour effet une auto-intoxication: à mesure que l’exposé prend forme, l’auteur se convainc du bien-fondé de sa position et en tire les forces nécessaires pour opérer, conformément à cette conviction, les réductions qui garantiront la plasticité générale du propos. Or, l’une des critiques que je formule dans l’essai (à l’égard des approches modélisatrices dans les sciences cognitives), est précisément celle-ci, d’où un paradoxe: je dénonce par une erreur vraisemblable en commettant la même erreur.