Même décor en cette fin août qu’au début juillet: les chiens de laboratoire jappent sur les balcons, les allées d’immeubles bruissent des cris des enfants, la mercerie ambulante des gitans passe et repasse en diffusant au portevoix son slogan qui se termine par “n’hésitez plus Madame, demandez-nous un devis!” et le long des trente kilomètres de plage grillent les poulpes, les sardines, les calmars. Il n’y a guère que le clochard musical qui manque à l’appel; il sera en vacances, à moins qu’il n’ait fait fortune. Quoiqu’il en soit, je ne le retrouve pas à l’entrée du supermarché. Il est vrai que fin juin, il a est apparu un homme âgé et chevrotant, à la peau rouge vive par suite de maladie, qui tendait la main aux mêmes heures. Dès le lendemain, j’ai pu vérifier les effets de la concurrence. Chacun des clochards redoublait les prévenances afin de garder ses clients. Ils rivalisaient pour saluer le premier, attrapaient les laisses des chiens pour en avoir la garde, aidaient au stationnement des voitures. Et désormais, il donnaient du “Monsieur” et du “Madame” à leurs clients.