L’appartement de Munich, un rez de chaussée, donne sur une cour d’immeuble de la Bismarckstrasse. Il est enfoui dans la végétation: sapins, buis et lierres, menthe, azalées, grimpants, rampants ou tombants, des vélos aussi, une cinquantaine bien tassée, concours étrange dans la mesure où nous ne voyons personne. Trois étudiants potassent leurs livres sous un éclairage électrique, une dame arrose cette petite forêt. Sous la voûte végétale, difficile de savoir quel temps il fait. Nous sortons dans Schwabing. Ciel nuageux, mais soleil, air chaud, terrasses, et des gosses qui s’acheminent vers l’Englisher Garten la planche de surf sous le bras (des vagues artificielles animent le canal de l’Isar). Nous roulons en direction d’Olympiapark. Il faut dîner, mais il n’y a pas une table de disponible. Tout est grec, thaï, napolitain, sushi et bio. Et les saucisses? Le choux? Les patates? Je comprends que les Allemands se lassent, mais, les amis, un peu de tolérance pour les amateurs de plats de base. Bref, l’anti-Espagne. Au centre du village, près de Malaga, il y a un restaurant chinois. Il est ouvert 12 heures par jour. Jamais je ne lui ai vu un client. Un Espagnol authentique est un Espagnol qui mange Espagnol. Drôle de peuple! Précisons que Schwabing est un quartier hors-sol: ordinateurs ultra-plats, studios-kitchenettes, conscience holistique. Avec ça, agréable. Que je marque le pas au coin de la rue, aussitôt un voisin me demande si j’ai besoin de son aide. Donc nous roulons sans arrêt, tournons sur plusieurs kilomètres. Gala perchée sur son vélo à l’ancienne, moi recourbé sur mon VTT dont la roue arrière a perdu un rayon et qui voile. Mais non, décidément, pas de restaurant qui puisse nous accueillir. Nous aboutissons à Olympiapark, sur la terrasse du Korfu. Une matrone en habit de veuvage et aux bras de lavandière nous sert des litres de Hacken-Pschorr, de la feta, des poivrons et du pain plat. Elle se campe devant notre table et nous parlons de tout: des enfants qui n’ont pas de travail, du coût des logements, des Baléares, de l’Adriatique et des olives noires.