Dans les moments de paresse, je règle mon flux musical sur aléatoire. Le service en ligne propose alors des titres choisis de ma collection d’albums auxquels s’ajoutent des suggestions. Le mois dernier, l’algorithme a été modifié. Il privilégie la vente des artistes les plus commerciaux. J’écoute de la musique froide, on me propose de la musique chaude; j’écoute de la musique blanche, on me propose de la musique noire; j’écoute de la musique underground on me propose son équivalent radio. Six, sept fois de suite, j’annule un morceau, je force la machine à passer au suivant. Excédé, je coupe le son et sors sur la terrasse. Je me trouve alors devant mon barbecue sur lequel j’ai disposé trois cactus en pot achetés au marché du vendredi. Des deux fleurs du carnegiea, l’une est fanée. Quand je la saisis du bout des doigts, je découvre à sa base une gélatine translucide. A l’aide d’un canif, je pique: il s’agit de colle durcie. Les fleurs ont été rajoutées pour faciliter la vente.
Mois : mai 2016
Parti de la vérité
Quand cessera-t-on de payer des demi-portions pour nous fournir des concepts de sociologie au rabais? Ce “vivre-ensemble” est une aberration aux conséquences mortifères. A l’instar du stakhanovisme, l’expression glorifie ce qui n’existe pas pour n’avoir pas à considérer ce qui existe. L’ouvrier idéal inventé par la propagande soviétique permettait de légitimer a priori la souffrance au nom du productivisme. Ce “vivre-ensemble” fonctionne de même: il légitime une situation sociale en constante dégradation au nom de l’intérêt financier de la minorité. Le multiculturalisme mène à la guerre de tous contre tous comme le stakhanovisme menait à la négation de l’individu et à sa destruction. Si aujourd’hui comme autrefois des demi-portions peuvent se payer sur la vente de concepts, c’est qu’il existe derrière la commande un parti de la vérité.
Espagnols
Dans une charge contre le protestantisme politique des sociétés du Nord, je dis aux deux Javier: “parlons franchement, les Espagnols n’ont ni imagination ni fantaisie, mais ils ont le bon sens, il sont doués pour la vie et ils sont fiers”. Et l’un comme l’autre, n’entendant pas la critique, ne gardant que le positif, rétorquent “oui, c’est vrai que nous savons vivre”.
Valises
A l’arrêt en gare, il lui faudrait descendre cinq valises. L’une de ses valises est un sac, une autre, un sachet de supermarché. Le train marquait une halte d’une minute. Il achemina les premières valises, les disposa sur la plateforme à proximité de la porte. Lorsque le train fut à l’arrêt, il vit qu’une partie des valises avaient été ramenées à l’intérieur du wagon. Il se précipita, en transporta deux, s’en alla chercher la troisième. Celle-ci avait été remisée dans une armoire. Il la saisit, la porta sur la plateforme, retourna chercher le sachet. Quand il le souleva, il se rompit. Il ramassa les effets qui tombaient sur le sol, courut à la porte. Les passagers qui attendaient sur le quai commençaient de monter. Il jeta une valise par dessus leur tête, puis une autre, retourna dans la wagon. Le sac était enfermé à l’intérieur d’une armoire. Il le prit, courut jusqu’à la porte, le balança sur le quai. Il voulut descendre, mais les passagers qui montaient l’en empêchaient. Lorsque la voie fut libre, la porte se referma et le train démarra. Par la fenêtre il vit ses valises. Un inconnu les emportait.