Pour un bombardement de la ville de Lausanne

Quand on déam­bule dans les rues de Lau­sanne, con­cevoir ce qu’elles étaient il y a seule­ment trente ans est impos­si­ble. Ville de métiers, de bistrots, de ren­con­tres, un peu raide dans sa bêtise bour­geoise, paysanne quant au fond, par­lant un  français mau­vais et sym­pa­thique, ville pos­sé­dant une iden­tité, ville dis­tin­guée des autres villes du Léman, sinon excep­tion­nelle, orig­i­nale devant le monde. Aujour­d’hui, elle dégoûte. Celui qui s’y promène est physique­ment gêné de voir tant de laiss­er-aller, de laideur, de médi­ocrité, de duperie, de crainte ren­trée. Car­ac­tères négat­ifs que recou­vrent une pré­ten­tion crasse et une obséquiosité expo­nen­tielle. Que dire d’autre? Les bras m’en tombent. Je n’ai qu’une envie: me sauver. Que voit-on dans le cen­tre de la ville ? Une pop­u­la­tion à peine sor­tie des valis­es, en ape­san­teur, qui par­le toutes les langues du monde et de préférence aucune, une pop­u­la­tion ne man­i­fes­tant envers la cul­ture, la société, le bon­heur, aucune espèce d’in­térêt. Une pop­u­la­tion en pyja­ma qui s’é­ton­nerait qu’on le lui fasse remar­quer et com­ment lui en vouloir? L’État s’est chargé de con­fon­dre domaine pub­lic et privé, délais­sant le pre­mier, con­trôlant le sec­ond. Et der­rière ses éner­gumènes qui rêvent d’a­cheter la pacotille que les indus­triels font fab­ri­quer dans le tiers-monde, un pop­u­la­tion, plus anci­enne, arrivée par l’avion précé­dent, qui pos­sède déjà cette pacotille et en fait éta­lage, prou­vant si besoin était, que la lib­erté promise peut être atteinte. Et ensem­ble, ces deux pop­u­la­tions, s’arrangent pour pro­duire à tous les coins de rues, une nour­ri­t­ure pau­vre, mal­saine, merdique: piz­zas, pâtes, kebab, chi­nois. Un peu plus loin, ceux qui ont lâchés, les intox­iqués. La munic­i­pal­ité leurs octroie un ter­ri­toire exposé, les nour­rit, les torche, les filme. Et dépêche des bon samar­i­tains fonc­tion­nar­isés qui rêvent de sauver le monde, donc les drogués. A la fin de la journée, ces habi­tants de Lau­sanne se met­tent au lit dans des casiers sub­ven­tion­nés, des asiles de nuit, et pour les pen­du­laires français, dans leurs Renault Clio. La ville s’est enfin vidée. Dites moi? Je rêvais, n’est-ce pas? Cela ne va pas recom­mencer demain? Et chaque jour? Cette paupéri­sa­tion des esprits. Ces pyja­mas. Cette cochon­ner­ie de fast-food. “Recom­mencer? Que voulez-vous dire? Ici, c’est Lau­sanne. Mais à Genève, à Paris, à Lon­dres, c’est la même chose, c’est aus­si Lausanne.”