Lor

Au pied des mon­tagnes de karst, les plaines tabatières de la région de Kham­mouane. Le chemin finit con­tre un por­tail orne­men­té de pives d’or. Pieds nus, le mil­i­taire écarte les portes. Notre voiture cir­cule entre des banyans effeuil­lés. De la pous­sière jaune mac­ule les troncs. Sous une cou­vert de palme, les pirogu­iers. Nous tra­ver­sons le pont de planch­es qui enjambe la lagune, suiv­ons le sen­tier de berge. La paroi de roc est semée d’ar­bres. Graciles, Accrochés à la pierre par des racines de la taille d’une main, ils mon­tent au ciel, robustes et graciles. La riv­ière Nam Hin­boun s’en­gouf­fre. Elle coule en aval, sous la mon­tagne. J’al­lume ma torche. Gala endosse son gilet de sauve­tage. Nous mar­chons sur des bancs de glaise, prenons place à bord d’une pirogue de bois bleu. De pro­fil rec­tan­gu­laire, son fond est plat. Des planchettes ser­vent de siège. Le moteur est lancé. L’eau bouil­lonne autour de l’hélice, nous prenons un virage, l’ou­ver­ture de la grotte dis­paraît, nous filons dans le noir. J’ori­ente le fais­ceau de la torche: le pla­fond est à vingt mètres, puis trente. Nous débou­chons dans une cav­ité de la taille d’un ven­tre de cathé­drale. La pirogue con­tourne une grève de cail­loux, accélère, s’im­mo­bilise dans le sable. Nous grim­pons sur un mamel­on de sable, chemi­nons à tra­vers une forêt de sta­lag­mites, diri­geons nos lumières dans les recoins faisant appa­raître des puits, des cônes, des éboule­ments, des sphères, des trous. Après dix min­utes de marche dans le noir, nous apercevons la torche frontale du pirogu­ier. Nous embar­quons, il relance le moteur. La tem­péra­ture baisse. Une embar­ca­tion nous dou­ble. Des vil­la­geois livrent une vélo­mo­teur de l’autre côté de la grotte. Le guide nous fait descen­dre. Une cas­cade sépare deux plans d’eau. Un de  ses col­lègues attendait là avec sa pirogue: il faut la force de deux hommes pour faire franchir le pas­sage à une embar­ca­tion. Les hommes comptent ensem­ble, lan­cent le mou­ve­ment, courent dans l’eau. La pirogue bon­dit, s’im­mo­bilise de l’autre côté. Nous nav­iguons sur six kilo­mètres. A dix mètres au-dessus de nos têtes, des troncs cal­ci­fiés; à la mous­son, la crue les drosse. Soudain, un pan­neau munic­i­pal. J’é­claire. Ban Gnang, le vil­lage qui se trou­ve de l’autre côté de la grotte de Kong Lor. Quelques maisons de palme, une place pous­siéreuse. Sur les hautes berges, le vélo­mo­teur envelop­pé de son car­ton.  Immergés jusqu’au cou, des buf­fles barbotent.