Du rêve à la réalité

Sur­pris d’être ignoré par mes amis qui man­gent autour d’une grande table avec vue sur la mon­tagne, je pour­su­is mon chemin les genoux à hau­teur de men­ton quand survient sur l’é­paule gauche du som­met une jeep. Elle heurte un tertre, sort du chemin, se ren­verse, part en ton­neau. Elle arrive sur moi. Va-t-elle s’im­mo­bilis­er? Non seule­ment elle pour­suit sa tra­jec­toire, mais en change pour m’écras­er. Je me gare. Elle se porte du côté où je me tiens. Je change de côté. Elle me suit. Quand elle emplit tout le ciel, je mets mes bras en pro­tec­tion. Elle passe par-dessus ma tête, elle con­tin­ue de dévaler. Je m’élance sur un VTT. Les prés per­dent leur couleur. le paysage se déser­ti­fie. Appa­raît une cor­niche de sable. Je roule à grande vitesse, cherche des trem­plins, tourne dans les airs. J’aligne les acro­baties. A la pour­suite s’a­joute la gris­erie de réus­sir le par­cours avec une telle dex­térité. Puis la voiture tombe dans un gouf­fre, elle prend feu, elle brûle. J’a­ban­donne mon vélo. Un com­man­do répète des fig­ures d’at­taque devant un instruc­teur de la police. Nous sommes en France. Il ne fait pas bon être en France. Je passe mon chemin. Au fond de la val­lée, une ville d’eau. L’u­nique route forme un cir­cuit fer­mé. Dans la mesure où il est fer­mé et que je l’emprunte, il va de soi que je l’ai déjà emprun­té. Pour­tant, je ne me sou­viens pas de ce pub. A tra­vers la vit­re pous­siéreuse, je tente de recon­naître le bar, la piste de danse, les tables. Il y a qua­tre bars en ville. Ces qua­tre bars sont des pubs. Ces qua­tre pubs sont fer­més et je suis en ville, sur l’u­nique route, celle qui mène d’un pub à l’autre.
Ce rêve suc­cède à une longue insom­nie de sorte que je me réveille ce same­di bien après Gala et Aplo, les paupières lour­des, l’air ébou­rif­fé. Après un petit-déje­uner au soleil, nous tri­ons les dossiers d’im­ages enreg­istrés sur la disque dur de l’or­di­na­teur. Ils con­ti­en­nent quelques 5000 pho­togra­phies. Comme dit Gala “qua­torze ans de vie!” Nous prévoyons d’en envoy­er 500 au développe­ment. Celles-ci en sécu­rité, nous débrancherons l’or­di­na­teur.
Vient l’après-midi et je pro­pose à Aplo d’aller faire du long­board. Même prob­lème que pour les pho­togra­phies. J’ai acheté cette planche de 1,10 mètre  à Avi­la l’an­née où je fai­sais mes recherch­es sur les Ver­ra­cos. L’an­née suiv­ante, je suis retourné à Avi­la pour creuser cer­tains la ques­tion et j’ai acheté les gants munis de ces plaques sur lesquels on s’ap­puie pour gliss­er dans les virages. A l’été 2013, j’ai acheté un pan­talon de motocross à Tor­re­vie­ja. Depuis, je me suis retourné dans mon lit des dizaines de fois, autour de qua­tre heures du matin, heure habituelle des insom­nies, con­va­in­cu que c’é­tait le meilleur moment pour dévaler à tra­vers Fri­bourg, du quarti­er de Beau­mont au pied de la cathé­drale en pas­sant par la rue de l’In­dus­trie de le boule­vard de Pérolles. Une fois où j’ai sor­ti mon matériel. Ce jour-là, je me suis étalé sur le bitume en négo­ciant un virage en bas de la rue des Ecoles. Or, cet après-midi, en dix min­utes, j’avais la tech­nique en main. Des voitures émergeaient su park­ing souter­rain de la rue du Jura; je zigza­guais entre elles. Les auto­mo­bilistes du same­di ne s’y sont pas trompés: ils ont fait de grands signes. Le plus vir­u­lent a baisse sa fenêtre pour m’in­sul­ter.  Casqué, gan­té, pro­tégé de mon pan­talon rem­bour­ré, j’ai con­tin­ué ma descente.