Belle course sur les hauteurs de Fribourg. La montée de Planche Inférieure à Notre-Dame de Lorette, la forêt du Bourguillon, cette ferme singinoise à la limite de Tafers et la plongée dans les gorges du Gottéron avec ce système de sentier en escalier qui tantôt creuse la mollasse tantôt la surplombe, enfin, la pisciculture, la Tour des Chats, le pont de Berne. A la hauteur de la prison, je longe la Sarine. Je vois cette maisonnette que nous devions louer en 2011. Gala redoutait l’humidité. Je redoutais la prison. Se lever le matin et voir des barreaux. Ceux qui contraignent, l’Etat, la police; ceux qui défont la société, les voyous, les tricheurs. Triste duo. D’ailleurs, sur ce parcours, ces quelque cent mètres de chemin blanc dans l’odeur de l’eau, correspondent au moment de la plus grande fatigue. Chaque fois je m’étonne. Est-ce parce qu’il s’agit d’un faux plat? Depuis quelques mois, je me divertis en arrachant un mot ou deux à ces pierres rondes que des enfants ont peintes et illustrées de citations d’écrivains. Ce matin j’ai lu : “Colette”. Vient ensuite la Motta, puis les escaliers du funiculaire. Ouvrage créé par le maître de la brasserie Cardinal pour monter la bière à la ville (et dont j’ai bu de grosses quantités la veille, mélangée au réveil de café, le tout pesant sur l’estomac tandis que je fixe avec obstination les marches de pierre, de goudron, les anciennes, les nouvelles, les étroites, les larges…) Belle course. N’était-ce cette traversées des rues vivantes: l’Europe, l”université Miséricorde, puis la rue Saint-Michel. Les étudiants y boivent l’été; l’hiver, ils fument. Quand sonnent les carillons, ils la montent ou la descendent. Puis sur la place Georges-Python, il y a les terrasses. Le temps est splendide depuis lundi. Un été indien, remarque Gala. Ainsi, pas une chaise de libre sur les terrasses de Goerges-Python. Or, courir est ridicule. Le coureur ressemble à un haricot, un préservatif, à une une andouillette. De plus je souffle avec force. Technique héritée de mes premières courses à Mexico. L’entraîneur m’avait alors expliqué que le meilleur moyen de lutter contre l’altitude et de faire sa prise d’air en deux fois. Depuis 1986, j’applique cette méthode. C’est dire que je fais autant de bruit que la locomotive de La bête humaine. Et, comme aujourd’hui, quand je croise G. dans la rue, c’est pire. Faut-il s’arrêter? Je salue de la main, je me retourne, je cours quelques mètres en marche arrière prenant garde à ne pas m’étaler et file. La forêt — la forêt est très bien: on y est seul et quand on y croise un promeneur, surpris, il se gare (sauf les Japonais, tétanisés, ils vous regardent comme s’ils étaient arrivés à la fin de leur vie).