Rapetou

L’at­taque de banque ayant échoué, nous fuyons à pied à tra­vers la ville. Je cours devant, je mon­tre le chemin. Un talus barre le pas­sage. Je le gravis. Trop raide. Je glisse, je retombe. Mes sept com­plices paniquent.
- Séparons-nous!
Les uns par­tent vers la porte Nord, les autres m’emboîtent le pas. Nous gagnons un champ de coton. Les fleurs for­ment au sol une duvet épais. Le Bègue mon­tre com­ment échap­per aux flics: il plonge dans le duvet, il dis­paraît. Je fais de même.
- Et main­tenant taisez-vous! Leur-dis-je.
Mais rien n’y fait, le Bègue et le Corse con­tin­u­ent de par­ler. Ils par­lent de plus en plus fort. Je sors la tête du duvet de coton. Un femme  sur un petit bal­con attaché à la muraille du château-fort crie:
- Je vous ai vu! Je vais vous dénon­cer!
J’at­trappe le Bègue par le col­let:
- Tu es génial, mais tu est un génie imbé­cile! Pau­vre imbé­cile!
Nous glis­sons en bas du talus. Nous sommes à nou­veau dans la ville. On entend sif­fler les flics.
- Il faut se sépar­er! Dis-je.
Mes deux com­plices s’élan­cent. Je les arrête:
- Case Postal 7, à Mar­rakesh!
- Qu’est-ce… qu’est-ce que…? Fait le Bègue.
- Pour se con­tac­ter imbé­cile!
- Mais où est cette case? Demande le Corse.
- A la poste cen­trale! Dis-je en enfi­lant une rue avant de m’apercevoir qu’il s’ag­it de la rue de la Jus­tice et de la Police.
” Il faut que j’es­suie les empreintes du pis­to­let!”, me dis-je. Puis: “Inutile, je le porte sur moi, empreintes ou pas, ces salopards sauront qu’il est à moi!”
Je passe devant deux avo­cats.
- Tiens, dis­ent-ils dans mon dos, il est sor­ti de prison celui-là?
Et l’autre:
- Oui, il est en cav­ale.
“Je vais en pren­dre pour trente ans cette fois! Il y a une porte au bout de la rue, et elle sera fer­mée!  Je me vois déjà, dans la cel­lule, rejouant des mil­liers de fois ce moment pré­cis: je cours et je sais que je vais me faire pren­dre et qu’ils vont me met­tre dedans pour trente ans!“
J’avise un escalier de bois.
“Si je monte par-là, je sor­ti­rai par les toits!”
 Je n’en fais rien, je con­tin­ue de courir.
” je vais pren­dre un bus,  un bus qui m’emmènera loin de la ville. A la sor­tie du bus, je ne pour­rai pas pay­er. Com­ment ferai-je? Et le soir, pour dormir, pour boire, pour manger, je ne pour­rai pas pay­er, je n’au­rai pas d’ar­gent. Il ne me restera plus qu’à bra­quer une banque…”