Ilôt villageois au centre de Mandalay. Je bois devant la maison d’un voisin qui fait épicerie. Le spectacle est épatant. Il vaut mille stupas. Ne serait-ce que pour partager ces rythmes enfouis, spontanés, humains, le voyage en Asie est justifié. Je ne connais rien de plus intéressant que cette morale en action. Voyager, c’est d’abord se tenir au milieu des gens et des choses. Les monuments, soit: mais ils sont de toutes les époques à la fois, et d’aucune. Tandis que ce marchand de charbon accroupi qui bourre des sacs de jute de sa main noire ou ce mécanicien torse nu qui répare une moto couché à même le sol! A une enjambée de ma table, un pont de pierre franchit un ruisseau. Sur le chemin de terre défilent un vendeur de thermos laqués, le plombier, quatre moines et un fleuriste convoyant une gerbe de colliers rituels. Sous mes pieds, une poule creuse son trou. Une mère essore sa lessive sur la berge du ruisseau. Dans la maison en face, à l’ombre d’un arbre à petites feuilles, un homme compte son argent.