Hier, au téléphone, le propriétaire d’un chalet de montagne proche de la station de Leysin. Il s’intéresse à la porte de monastère que j’ai mise en vitrine dans notre magasin de Lausanne. Je lui explique les circonstances en romançant quelque peu pour les besoins de la vente. Ce faisant, je m’aperçois que je traîne derrière moi cette porte de cent kilos depuis douze ans. Achetée sur le marché de Villeneuve-lez-Avignon à un gitan qui l’avait volée à Monaco, je l’ai faite déposer devant ma cellule de la Chartreuse puis descendre avec le concours des employés des Monuments historiques à Gimbrède, dans le Gers, avant de la ramener en camion avec l’écrivain O.T. à Lhôpital, près de Genève, où j’ai fait fabriqué des gonds à un forgeron. Puis je me suis battu avec les hommes de goût de la mairie de Lhôpital qui trouvaient préférable d’installer entre l’église et le presbytère un portail de fer premier prix fabriqué en Chine. Enfin, mon père l’a rapatriée sur la Suisse après l’avoir hissée dans une camionnette avec l’aide de quatre ouvriers. Durant ces douze ans, j’ai fait des plans, des dessins et n’ait cessé de rêver de ce jour où je la verrais enfin debout, entre deux murs porteurs, avec ses ferronneries martelées et son vantail par lequel passer le pain.