Axe 3

Cette ren­con­tre rêvée avec une femme silen­cieuse, de mes amies, se déroulait dans le quarti­er de Plain­palais, à l’an­gle du Rond-Point, juste après le café du même nom, là où se sont tenus suc­ces­sive­ment depuis 1986, l’an­née où j’ai com­mencé de fréquenter les cours à l’U­ni­ver­sité des Bas­tions, un bar de clochards, un squat (la Mai­son brûle), un Piz­za Hut et aujour­d’hui, les vit­rines d’ex­po­si­tion d’une agence immo­bil­ière, laque­lle a fait mur­er les entrées et se sert du bâti­ment comme sup­port pub­lic­i­taire. L’en­droit est bien choisi, car il donne sur la plaine où se tient le marché au Puces et pen­dant dix ans au moins, tan­dis que j’habitais dans des squats de la rive gauche, c’est devant lui que je me suis tenu, arrêté par le feu, dans l’at­tente de tra­vers­er vers les stands pour aller acheter mes livres, la têtes encore embrumée. Les jours les plus promet­teurs, la plaine appa­rais­sait en effet, sous le soleil du matin, comme une véri­ta­ble promesse dès lors qu’elle était asso­ciée dans mon esprit à la décou­verte, à tra­vers les livres d’oc­ca­sion offerts par les marchands, de la pen­sée des autres. Assis sur la ter­rasse, avec le café que venait de m’of­frir cette amie, c’est exacte­ment ce que je fai­sais: spéculer sur ce que la vie avait à offrir.