Tatlin au repas de fin d’année du Krav Maga. Elle quitte la Suisse après Noël. Elle a réservé deux chaises. L’une pour Baptiste sur sa droite, l’autre pour moi, sur sa gauche. Elle est maquillée, ce qui ne lui va pas, mais de toute évidence, le physicien français qui lui fait face, par ailleurs bel homme, est sous le charme. Puis se tournant vers Giusseppe, qui malgré des traits sans beauté, a le charme du parleur et la verve de l’Italien, elle raconte ses exploits d’enfance et d’adolescence, lesquels forment une étrange litanie et, maintenant que je la connais mieux, me semblent tenir lieu de mythe familial, et même, de personnalité. Le jour où son père l’a jetée dans le Rhin à portée des turbines d’un barrage avec ordre de rejoindre l’autre rive, ses nuits sous tente avec “plein d’arabes”, son amour des explosifs… Puis, à compter de cette soirée (lorsque se dispersent les quarante membres du club devant la pizzeria turque où nous avons partagé le repas et qu’elle renonce à poursuivre avec quelques uns dans un bar), plus une seule nouvelle. Dix jours plus tard, un message: “je serai chez toi dans dix minutes pour te déposer mes affaires, je rentre en Allemagne”.