Le prisonnier

Croisé le pris­on­nier. Je m’en­gouf­fre dans le tun­nel de la gare, il me hèle. Je ne le vois pas aus­sitôt. Mais j’ai sen­ti sur le bord de la rétine un mou­ve­ment inhab­ituel. Dix mètres plus loin, je freine, tourne le vélo, remonte la rue. La dernière fois que nous avons bu ensem­ble, j’é­tais encore dans le stu­dio du Criblet, ces quelques mètres d’habi­ta­tion, tra­vail­lant ma vision de la ville, ne sachant si je devais m’établir à Fri­bourg pour quelques temps. Et le pris­on­nier fai­sait par­tie de ces per­son­nages pit­toresque de la pre­mière péri­ode. Il me serre la main.
- Voyons-nous!
Une telle pré­cip­i­ta­tion dans les manières en dit long: nous avons pas grand-chose à nous dire, aus­si “voyons-nous!” Cepen­dant, de ce point de vue-là au moins, je con­tin­ue à croire à l’homme, surtout s’il est improb­a­ble, par exem­ple vit un des­tin d’ex-pris­on­nier. Alors en effet, pourquoi ne pas pren­dre ren­dez-vous? Une dis­cus­sion même lâche peut don­ner quelque chose et ce quelque chose nous aider, nous faire. Reste: m’é­tant engagé — et engagé j’honore — il faut que j’ap­pelle le pris­on­nier lun­di prochain et fixe et le voie.