Castillo de Buen Amor, aux portes de Salamanque. Monfrère et moi y avons passé la nuit il y a trois ans au mois de juin alors que nous roulions à vélo d’Oviedo à Malaga. Château fortifié du XVème qui tient son nom de deux couples d’amants, l’archevêque de Santiago et sa maîtresse Doña María de Ulloa et plus tard l’évêque de Cuenca et sa maîtresse Doña Teresa de las Cuevas. Ironie de l’histoire, l’archevêque et l’évêque portaient le même nom: Don Alonso de Fonseca Quijada. En grande partie intacte, on y accède par un pont tendu sur les douves et les salles comme les chambres, dont certaines dans les tourelles de guet, ont été conservées dans leur état original: blocs de pierre jaunes, plafonds-voûtes, marches d’un tenant. Nous partons courir une douzaine de kilomètres sur la route de terre qui mène au proche village de Topas où les vieillards nous considèrent effarés. Sur une petite place, un vieillard en jaquette de laine et bleu de travail, canne en main, béret sur la tête fait les cent pas. Il va et vient entre un pré où paissent des moutons et le porche de sa maison où sa femme tricote. Plus loin, il y a une discothèque. Bâtiment imposant, néon brisé, peinture effacée. Au sol, de la bouse. Ce village invisible depuis la N630, la route qui relie les Asturies à l’Andalousie. , est marqué par une telle solitude qu’on en vient à se demander si ses habitants savent que Franco est mort. Nous filons dans les champs, puis sur le chemin de retour passons une nouvelle fois par le centre de Topas. Une dame nous crie des mots que nous ne comprenons pas. Nous répondons amicalement avec des mots qu’ellene peut comprendre. Ce qui me rappelle cette scène, en 1991, un matin, alors que nous prenions le départ de notre étape du jour le long du chemin de Saint-jacques, quelque part sur la place d’un village de la Rioja: Monfrère et moi, les mains appuyées contre un mur, faisons des étirements. Une paysanne se place dans notre dos, observe et s’inquiète. Elle appelle un voisin. Celui-ci pour la rassurer explique que nous ne sommes pas des fous en liberté: nous faisons du stretching.