Aldeadávila

Paysage déser­tique de pier­res, de ronces, de prés, de cac­tus. J’ad­mire les murs de pierre sèche. Des années, des dizaines d’an­nées, des siè­cles de tra­vail pas­toral, de tra­di­tion, de patience pour dis­pos­er ces pier­res plates. Notre camion­nette emprunte des routes sin­ueuses, mon­tantes et descen­dantes. Les vil­lages sont rares, le kilo­mé­trage qui nous sépare de la fron­tière por­tu­gaise dimin­ue. En fin d’après-midi, nous atteignons Aldead­ávi­la, et par ma faute, faisons fausse route. Mon­frère plonge dans les gorges. Virages en épin­gle, long déclin et enfin, amar­ré sur l’eau plate d’un canyon, un bateau-mouche. Qua­tre madrilènes nous ont précédé. Sur l’ar­doise, un départ est annon­cé pour 12 heures.
- Il n’a pas eut lieu, m’ex­pliquent-ils, il n’y avait per­son­ne.
Nous croyions trou­vé l’hô­tel, nous aurons vu le bateau. Demi-tour. Nous voici au vil­lage. Immeu­ble de pierre avec sa façade gali­ci­enne: chaux blanch­es, pier­res rus­tiques. La patronne indique une bar-restau­rant, le Paraí­so. Saut qu’il n’y a pas de ser­vice. Instal­lés sur la ter­rasse, nous atten­dons. Les tables sont sur la route. Aucune voiture ne passe. Quand il en vient une, je dis à l’homme qui pénètre dans le bar:
- Il n’y a per­son­ne!
Peu après, une gamine s’ex­cuse:
- J’é­tais ailleurs.
Mais à dix-neuf heures, alors que maman et les enfants nous rejoignent, que la nuit tombe, que nous prenons place autour d’une table ronde, la salle se rem­plit brusque­ment. Dix, vingt, vingt-cinq hommes. La gamine saisit une télé­com­mande, un écran descend, les buveurs tour­nent leur chais­es. Tous regar­dent dans notre direc­tion. Notre table est sous l’écran. Le match com­mence, nous sor­tons. Et mer­veille de l’Es­pagne, dans ce vil­lage endor­mi, sans tra­vail, sans touristes, du moins en hiv­er, dans ce vil­lage de nuit, il y a un autre bar, celui de la piscine et une autre gamine, pas plus haute que Luv , fine comme un cure-dent, qui nous sert de la salade, du fro­mage de chèvre, du jam­bon, de la bois­son, des glaces en riant et virevoltant.