Abri

Absol­u­ment démo­tivé. Vous êtes là, vous met­tez les formes, par­lez et souriez. Du théâtre. L’habi­tude. L’ad­hé­sion est réelle mais instan­ta­née. Quand l’in­ter­locu­teur tourne le dos, le jeu s’ar­rête et un sen­ti­ment s’im­pose: pas intéres­sant. Étrange­ment une force demeure, elle est sous-jacente. L’homme n’est pas vain­cu. Au fond ce sont les réus­sites qui sont le plus dés­espérantes, car au-delà du coup d’adré­naline elles prou­vent que nous avons cédé aux sirènes de la com­péti­tion. Le jour où j’ai obtenu ma licence d’U­ni­ver­sité, je me suis, je ne sais trop com­ment, retrou­vé seul tôt dans la soirée. La semaine précé­dente j’avais cédé sans con­trepar­tie le cinq pièces que j’habitais rue du Puits-St-Pierre à des demi-incon­nus. J’ai son­né à l’in­ter­phone, ils ont déclenché l’ou­ver­ture de la porte, mais je ne suis jamais arrivé au som­met de l’im­meu­ble: enroulé dans ma veste, je me suis calé dans l’abri anti-atom­ique où j’ai passé deux jours à ne rien faire, con­va­in­cu que c’é­tait la seule posi­tion à occu­per une fois que l’on a réus­si un devoir imposé par la société.