Quelque peu embêté. De retour de Détroit, je corrige le manuscrit écrit dans la ville et me réjouis de le donner à lire, comme j’ai toujours pensé le faire, à Valérie Solano des Editions des Sauvages. Je lui annonce qu’il sagit du second volume de la trilogie commencé avec Ogrorog, le titre prévu pour le dernier volume étant Gormiti (du nom de cette maladie motrice qui fond sur les corps en Occident). Elle se réjouit de lire, mais pour des raisons familiales ne publiera pas avant mai. Mon enthousiasme retombe. Quoi de mieux que tenir entre les mains le livre peu après l’avoir écrit? La semaine suivante j’ai rendez-vous avec une des représentantes de l’Âge d’homme à qui j’ai parlé l’an dernier de Roman D.C. Je renouvelle ma promesse de lui soumettre ce manuscrit en espérant par devers moi que cet engagement me permettra enfin de venir à bout des corrections (au bout de six pages j’ai la nausée, me demande à quoi bon écrire un roman, si cela n’est pas insensé et je le mets de côté). Cependant j’en profite pour évoquer Fordétroit. Elle lirait volontiers. Là-dessus, j’appelle Stéphane Fretz des Editions Art&Fiction afin qu’il m’aide à trancher. Il m’encourage à le publier chez L’Âge d’homme mais ajoute qu’il serait aussi preneur. Le dimanche nous partons pour Bienne où je rencontre un ami directeur de collection. Nous buvons un chocolat chaud dans une pizzeria de la rue Centrale. Il est onze heures, les nappes sont mises, une corrida passe à la télévision (jamais vu un tel spectacle en Suisse). A mon côté Aplo, à ses côtés sa fille, une gamine avec de grands yeux étonnés. L’ami nous emmène sur la canal de la Suze. Il demande si j’ai le temps. Il faudrait que je remonte jusqu’à l’écluse puis redescende jusqu’au lac. Cela devrait suffire pour m’imprégner de l’atmosphère particulière du lieu (que je ne ressens nullement n’ayant à ce jour qu’un rapport de travail avec la ville de Bienne que j’ai parcourue des centaines de fois, mais toujours à la course à pied, des affiches sous le bras et un rouleau de scotch à la main, attentif à ne pas me faire arrêter par la police). Est-ce que je comprends? Et surtout, serais-je d’accord?
- Ah, oui, je ne t’ai pas encore expliqué, j’aimerais que tu écrives un texte qui parlerait de la Suze. Et ce qui m’intéresse, c’est que tu es étranger à cette ville et à son histoire. Tu irais vite voir l’écluse puis…
Je lui dis que je reviendrai, que je ne peux pas faire vite, que toute imprégnation est lente et solitaire, que je suis accompagné et que nous sommes dimanche, et j’en profite pour lui demander conseil s’agissant de Fordétroit. A quoi il répond que lui serait attentif à un tirage au format poche. De sorte que de retour à la maison, j’adresse une demande à Gérard Berréby chez Allia. Quelques heures plus tard: “cher Alexandre, envoyez, je lirai avec plaisir”.