Mois : septembre 2014

Pouvoir

Si je ne peux pas la séduire avec tout ce que je sais, tout ce que je suis, tout de que je dis, je ne peux pas la séduire.

Cinquante ans

Après la soirée à Gy, départ pour Ver­banne. Mal de tête, les yeux fatigués, tout y est. Mais la journée est splen­dide. Je monte depuis Sierre, doit rebrouss­er chemin dans la sta­tion de Ver­banne, la route qui mène à Ply d’Ar est bar­rée, il y a expo­si­tion de jeeps. Je me gare chez Mon­a­mi et rejoins le télé­cab­ine, puis déposé au som­met, je descends en quelques vingt min­utes à Merich. Mon­a­mi décharge la sono sur laque­lle son groupe jouera et nous mon­tre les cham­bres: de mag­nifiques suites avec vue sur les Alpes et salle de bains dernier cri. Un cinq étoiles que ses pro­prié­taires n’ont pas encore mis sur le marché. Nous sommes à 2100 mètres, trente invités sont atten­dus, je partage la cham­bre avec un chanteur d’Opéra.

Ecritures

Achevé Fordétroit en fin de mat­inée. Je le mets sous pli, l’en­voie sans un mot à Gérard Berré­by. Séparé­ment, j’écris un mail dans lequel je lui annonce l’en­voi et lui dis mon idée d’un livre qui s’in­ti­t­ulerait Une nou­velle vision du monde: l’an­ti­tourisme. Pour qu’il sai­sisse le pro­pos, je donne quelques exem­ples (les seuls que je con­naisse): la con­tes­ta­tion estu­di­antine à Kuta-Bali, les émeutes dans le vieux quarti­er de Barcelone, la marchan­di­s­a­tion d’Angkor, les mil­i­tants écol­o­gistes con­tre le ski héli­porté. Il me faut main­tenant ter­min­er la réécri­t­ure de Roman D.C. Cette sinécure. Il y a un an que j’en par­le à l’Age d’homme. Si l’én­ergie m’est gardée, après avoir écrit ven­dre­di ma con­tri­bu­tion sur le canal de la Suze que l’on me demande pour un ouvrage col­lec­tif, je com­mencerai Ecri­t­ure, bière, com­bat (spec­ta­cle de soi, vol.1) dont je ne me fais aucune représen­ta­tion pré­cise si ce n’est qu’il com­mencera par la nar­ra­tion de cette journée mer­veilleuse vécue dans la cam­pagne de Soria, en Espagne, à l’été 1990 et à la fin de laque­lle nous sont apparues ce qui pour­rait bien être des O.V.N.I.

Anniversaires

Repas d’an­niver­saire de Pas­cal Nord­mann dans un restau­rant de Gy. Maxime Mail­lard prend le volant et nous con­duit à tra­vers le traf­ic. Sur la ban­quette arrière, Pas­cal me par­le du troisième volet du Tryp­tique de la peur qui traite du gonzo pornographique, mais très vite la con­ver­sa­tion se résume à ce débat: qu’en est-il des poils? Faut-il les mon­tr­er ou les cacher? Pas­cal déclare que pour par­tie sa brouille avec San­drine Fab­bri (pour qui il a créé un site licen­cieux) est due à cette ques­tion. A Gy, nous retrou­vons Jean-Michel Meier, le pro­duc­teur d’émis­sions de radio, et sa famille, ain­si qu’O­livi­er Chachiar­ri et sa femme. Cham­pagne, vins, con­ver­sa­tions, livres. Cadeaux. Des livres. J’en ai apporté sept. Tra­vail­lant les cor­rec­tions de Fordétroit, je n’ai cessé de repouss­er le moment de trou­ver des idées pour ce week-end durant lequel se tien­nent deux anniver­saires, celui de Pas­cal et celui de Mon­a­mi, lequel fête ses cinquante ans. Je me mets mar­tel en tête: ces gens-là ont tout. Et tout mieux que moi. Ajou­tons en ce qui con­cerne Pas­cal que rien de matériel ne retient son atten­tion. Me voilà donc rue des Alpes, sur­veil­lant mon télé­phone (France-Cul­ture doit appel­er), devant la porte de la librairie de livres anglais d’oc­ca­sion, con­statant que la porte est fer­mée quand une homme me fait signe de l’autre trot­toir et mon­tre un accès de cave. Je descends quelques march­es et décou­vre, bien rangés sur des étagères, des mil­liers de livre en français. J’achète des textes que j’ai aimé, Caba­n­is, Dantzig, Dubil­lard, un Théâtre quan­tique et un The­aters der Absur­dum (l’an­i­ma­teur de France-Cul­ture appelle, “voilà, vous êtes en ligne!” et pose cinq ques­tions à tiroir qui relèvent plus de l’ex­per­tise d’un spé­cial­iste des com­pag­nies aéri­ennes que de la lit­tréra­ture). Je paie, je promets de revenir et remonte à vélo pour crois­er Aplo de retour de l’é­cole juste avant de pren­dre la route pour Genève. Main­tenant, Jean-Michel et Pas­cal se parta­gent ces vol­umes. Séparé­ment, ce dernier reçoit: du papi­er (“pour ton prochain livre”, insiste Gun­da qui veut faire savoir que Pas­cal a ter­miné son roman le jour même, mais celui-ci se reb­iffe et à mi-voix la men­ace de quit­ter la table si elle répand l’in­for­ma­tion), des gommes à plac­er sur le bout des crayons (“j’écris tout au cray­on”, jus­ti­fie Pas­cal) et de la musique baroque. J’avale des canettes, invite Chi­achiari à mon­ter à Fri­bourg pour par­ler du cog­i­to (il lit les Médi­ta­tions), puis Maxime nous ramène, je dors sur un mate­las jeté à terre, au bureau, devant une imp­ri­mante qui démarre à vide toutes les cinq min­utes et que je ne sais pas éteindre.

Fatigue

Il enfi­lait un pan­talon de tra­vail et aus­sitôt se sen­tait fatigué.

Divination

Une table ronde est une table car­rée qu’on a beau­coup fait tourner.

Marche obligatoire

En atten­dant le tra­vail oblig­a­toire (et par là je ne veux pas dire que les gens ne tra­vail­lent pas, bien au con­traire, mais que jamais la rémunéra­tion ne devrait être décou­plée du tra­vail, que si rémunéra­tion il y a, tra­vail il doit y avoir), il serait bon d’in­stau­r­er des march­es oblig­a­toires. Jusqu’à l’âge de soix­ante ans, sauf mal­adie et acci­dent, tout le monde aurait a marcher une dis­tance chaque jour: rien de tel pour enter l’e­sprit sur le corps.

Sécurité

Que l’on souhaite devenir polici­er et faire régn­er l’or­dre, soit; voy­ou et faire régn­er son ordre, cela se com­prend; mais qu’on veuille assur­er la sécu­rité? Per­me­t­tre aux choses de suiv­re leur cours? Cela m’é­tonne. Or, c’est bien ce méti­er-là que con­voitent une par­tie de mes cama­rades qui appren­nent les sports de com­bat. Ceux qui opèrent déjà sur le ter­rain éval­u­ent à leur retour de mis­sion les risques encou­rus. Les uns regret­tent qu’au­cun déra­page ne se soit pro­duit, ils auraient pu tester leurs com­pé­tences; les autres s’en félici­tent et prô­nent un arme­ment plus com­plet du vig­ile. Dans un cas comme dans l’autre ils omet­tent de dire que leur marge de manœu­vre est pour ain­si dire nulle. Leur tâche est de sécuris­er sans recourir à la force. Même en cas d’a­gres­sion. Tout au plus ont-ils le droit à la riposte en cas de légitime défense et cela dans le respect des pro­por­tions. Leur mis­sion est d’obtenir le résul­tat escomp­té, la sécu­rité, à par­tir de la seule dis­sua­sion sym­bol­ique qu’as­sure leur présence en uni­forme sur le ter­rain. En d’autres ter­mes, ils sont engagés sur la base de ce qu’ils savent faire pour ne jamais le faire.

Le Touc

Bruit de l’herbe que les babines de ce gros rep­tile cam­pé au milieu de l’herbe malaxe. Un ciel limpi­de. En lisière de forêt, des libel­lules au-dessus des fleurs. A l’hori­zon la mon­tagne du Touc. Je regrette de n’avoir pas décou­vert cet endroit mer­veilleux plus tôt. Puis je songe que j’au­rai pu ignor­er à jamais son exis­tence et l’avoir décou­vert m’ap­pa­raît alors comme un mir­a­cle. Le lende­main j’y retourne (dor­mi au vil­lage) et le rep­tile est à nou­veau là, sur le champ, à bafouiller.

Centre d’intérêt

La gar­di­enne brésili­enne du gym­nase munic­i­pal de Vil­lafran­ca avec qui je dis­cu­tais chaque matin me dit un jour:
- Il faut absol­u­ment que tu vis­ites Pam­pelune, une ville for­mi­da­ble! J’y suis allée dimanche avec mon fils, il y a un cen­tre com­mer­cial de qua­tre étages avec des ciné­mas, des restau­rants, des attrac­tions, nous y avons passé la journée.