Prendre une claque

Pren­dre une claque, au sens pro­pre, est exacte­ment ce qui m’est arrivé il y a trente ans devant la kiosque du pas­sage souter­rain de la gare de Lau­sanne. Je me tenais der­rière un gail­lard cor­pu­lent, faisant la file, lorsque celui-ci sans rai­son se retourne et m’assène une claque. Il aurait pu tomber sur une grand-mère, un enfant ou un polici­er n’ayant pas juger bon de se retourn­er avant de don­ner la claque. Comme je le regar­dais s’éloign­er stupé­fait, je recon­nus X. un fils d’a­gricul­teur en rup­ture de ban qui mar­chait aux acides.
Cette nuit, la scène est rev­enue sous la forme d’un rêve. Juste après que j’aie pris la claque, le gail­lard s’en­fuit dans les étages. Le décor est un grand-mag­a­sin pen­dant la nuit. Lumière, esca­la­tors, ascenseurs, tout fonc­tionne, mais il n’y a pas de clients. Habil­lé d’un pyja­ma et armé d’un couteau, j’ap­pelle l’as­censeur. Je veux mon­ter, il descend. Au sous-sol, des col­lec­tion­neurs briquent des voitures anci­ennes. Décidé à retrou­ver mon gail­lard qui a fui par le haut du bâti­ment, j’ap­pelle les qua­tre ascenseurs de la rangée. Mon com­pagnon fait alors remar­quer:
- C’est comme dans un jeu!
- Oui, mais tu ver­ras, je le tue vrai­ment!
Du cof­fre d’une voiture, un des garag­istes tire une paire de Moon Boots dépareil­lée que j’en­file. Bien que mes mou­ve­ments soient ralen­tis, ma déci­sion est inébran­lable. Alors que l’as­censeur descend pénible­ment jusqu’à nous, mon com­pagnon désigne une fille:
- Tu es amoureux c’elle.
Sans me retourn­er :
- Je l’ai tou­jours été.